Alors que les experts du GIEC s’alarment des conséquences énormes d’une planète en péril, la science économique n’est toujours pas suffisamment au rendez-vous

Dans le cadre du deuxième volet du sixième rapport du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) publié le 28 février 2022, les experts de la science climatique estiment que les conséquences du changement climatique s’accélèrent, conduisant à une menace pour le bien-être humain et la santé de la planète. Le premier volet du sixième rapport du GIEC, en date d’août 2021, concluait que le changement climatique était plus rapide que prévu. Selon ce rapport, la température de la planète devrait augmenter de 1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle dès 2030, soit dix ans plus tôt que dans la précédente prévision du GIEC. Le deuxième volet du sixième rapport du GIEC dresse un tableau très alarmant des conséquences du réchauffement climatique, notamment la multiplication des événements climatiques extrêmes. Le GIEC, estime que l’humanité s’expose à de multiples aléas climatiques inévitables dans les deux décennies à venir même si elle parvient à limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle. Ces phénomènes météorologiques extrêmes se produisent simultanément, entraînant des répercussions en cascade de plus en plus difficiles à gérer.  Avec, à la clé, encore davantage de pénuries, de pauvreté, de famines ou de conflits[1].

Les experts du GIEC estiment, dans le troisième volet du sixième rapport sur le changement climatique, publié le lundi 4 avril 2022, que les investissements nécessaires à la transition vers une économie bas-carbone coûteraient moins cher que les dommages économiques provoqués par la crise climatique. Les experts du GIEC considèrent qu’il est possible de réduire les émissions d’ici 2030, mais qu’il nous faut agir dès maintenant afin de pouvoir conserver un monde « viable ». Ils estiment également que les solutions technologiques permettant de réduire les émissions de gaz à effet de serre existent déjà.

Certains experts de l’économie environnentale estiment que la science économique est au mieux insuffisamment adaptée pour répondre et trouver la solution à la crise écologique ou au pire partiellement responsable de la crise écologique.  L’objet de cette note consiste à mettre en exergue certains points faibles de la science économique qu’il nous convient de corriger pour commencer à construire une nouvelle science économique qui nous permettra de répondre aux enjeux écologiques de demain en s’appuyant pour cela notamment sur une revue de la littérature des études sur le sujet.

La première partie de cette note met en exergue certaines limites du PIB et de la croissance en tant qu’indicateurs de politique économie. La deuxième partie suggère que la plupart des modèles macroéconomiques ont tendance à sous-estimer les dommages générés par le réchauffement climatique et par la dégradation de l’environnement. La troisième partie montre certaines limites de la libre concurrence, du libéralisme et du signal prix. La quatrième partie explique pourquoi il est nécessaire de mobiliser l’ensemble des acteurs économiques pour sortir de la crise écologique. La cinquième partie de cette note vise à expliquer comment passer d’une économie du PIB à une économie du bien-être et la sixième partie précise qu’il convient de raisonner en termes de soutenabilité plutôt qu’en termes de rentabilité.

  • Les limites du PIB et de la croissance

Les économistes ont longtemps conçu l’environnement comme un stock de ressources, qui peuvent être épuisables (métaux, énergies fossiles…) ou renouvelables (eau, air, biodiversité…). D’où une crainte séculaire de « manquer » modélisée par des auteurs comme Ricardo ou Jevons dès le XIXe siècle, que l’on retrouve dans les travaux de Meadows ou dans ceux du Club de Rome : la croissance va buter sur la rareté physique des ressources. Ce à quoi Robert Solow et les économistes de la croissance rétorquent que le mur de la rareté est sans cesse repoussé par l’innovation technique et la capacité des acteurs économiques à trouver des substituts aux ressources, qui deviennent coûteuses du fait de leur raréfaction (Christian De Perthuis, 2016).

L’économiste britannique Kate Raworth (2017) estime que les économistes ne se demandent pas assez si la croissance du PIB est toujours nécessaire, toujours désirable et toujours possible. A la fin des années 1950, la croissance de la production était devenue l’objectif dominant dans les pays industrialisés. La croissance fut dépeinte comme la panacée pour bien des maux économiques, politiques et sociaux, comme un remède à la dette publique et aux déséquilibres commerciaux, comme la clé de la sécurité nationale, comme un moyen de désamorcer la lutte des classes et comme une solution à la pauvreté sans aborder la question politiquement épineuse de la redistribution. Simon Kuznets, qui est considéré comme le père des comptes nationaux, estimait toutefois dans les années 1960, que le bien-être d’une nation ne peut guère être déduit d’une mesure du revenu national.

Selon Amartya Sen (1999), le développement doit chercher à « favoriser la richesse de la vie humaine, plutôt que la richesse de l’économie dans laquelle les êtres humains vivent ». En 2008,  Nicolas Sarkozy avait demandé à vingt-cinq penseurs internationaux, avec à leur tête Amartya Sen et Joseph Stiglitz  d’évaluer les mesures du progrès économique et social qui guidaient la politique. En septembre 2009, les membres de la commission Stiglitz-Sen-Fitoussi sont parvenus à une conclusion abrupte : « ceux qui tentent de guider l’économie et nos sociétés ressemblent à des pilotes qui voudraient déterminer leurs parcours sans boussole fiable ». Selon ces auteurs, la poursuite de la croissance du PIB comme objectif principal de nos sociétés est loin d’être un objectif idéal. Le PIB, comme l’ensemble des agrégats de la comptabilité nationale, ne peut rendre compte des évolutions portant sur la répartition des ressources.  Le rapport Stiglitz-Sen-Fitoussi souligne notamment que les embouteillages peuvent augmenter le PIB en raison de l’utilisation accrue de l’essence, mais évidemment pas la qualité de vie.

Si à la sortie de la seconde guerre mondiale, la hausse du PIB s’accompagnait d’une baisse des inégalités dans les pays de l’OCDE, depuis les années 1980, l’augmentation du PIB dissimule un creusement des inégalités inédit depuis les années 1920 (Gaël Giraud, 2010). On peut par ailleurs se demander si la croissance du PIB est vouée à se poursuivre indéfiniment. L’analyse de l’évolution du PIB, après la secondaire guerre mondiale indique que, la croissance du PIB est de plus en plus faible, dans les pays développés notamment, décennies après décennies.

Kate Raworth (2017) tempère en soulignant qu’aucun pays n’a jamais mis fin au dénuement humain sans la croissance économique. Et aucun pays n’a jamais mis fin à la dégradation écologique avec la croissance économique. La baisse de la croissance ou la décroissance présente elle aussi plusieurs inconvénients. Dans de nombreux pays, il existe une relation négative entre le taux de croissance du PIB et le taux de chômage. Lorsque la production augmente, le chômage diminue mais pas dans les mêmes proportions en raison de l’évolution de la productivité du travail (la production rapportée au nombre d’emplois). Cette relation a notamment été mise en exergue par l’économiste Arthur Okun. Selon la loi d’Okun (1962), il existe un seuil au-dessus de croissance duquel le chômage diminue et en dessous duquel le chômage, le chômage augmente. Le coefficient d’Okun permet de savoir si l’économie réagira rapidement à une hausse de la croissance. Bien que ce coefficient se soit nettement amélioré dans plusieurs pays occidentaux ces dernières années, une faible croissance se traduit encore, dans le système actuel, par une hausse du chômage et de la pauvreté. En raison de la façon dont fonctionnent les chaines mondiales de production et de distribution, la décroissance pourrait créer des problèmes de sécurité alimentaire. La crise de la Covid-19 a fait exploser l’insécurité alimentaire dans le monde. Le Programme alimentaire mondial de l’ONU estime que 120 millions de personnes supplémentaires ont été exposées à l’insécurité alimentaire en 2020.

La croissance à travers son impact sur le réchauffement climatique et la destruction de la biodiversité a elle aussi le pouvoir d’altérer la sécurité alimentaire. Le réchauffement climatique rend les rendements agricoles plus aléatoires. Une croissance basée sur des investissements dans des actifs risqués ou sur des actifs bruns peut conduire à de nouvelles crises économiques et financières. Les dommages générés par la hausse des températures et la dégradation de l’environnement (perte de la biodiversité, épuisement des ressources naturelles, incendies, montée des eaux…) pourrait détruire la valeur de certains actifs et générer un effet Minsky[2] comme cela fut le cas lors de la crise de subprimes. Le PIB ignore les effets destructeurs du productivisme et de la dérégulation sur la vie sociale et sur l’environnement. Il est indifférent à la mise en cause des biens communs vitaux (eau, air, sol, réchauffement climatique, écosystèmes…), à la violation des droits fondamentaux et à l’augmentation de la pénibilité du travail salarié selon Gaël Giraud (2010).

Dans un ouvrage paru en 1972 « The limits to growth » des chercheurs du MIT, avaient créé l’un des premier modèles informatiques dynamiques de l’économie mondiale appelé, Word 3. Le but de cette équipe de recherche consistait à explorer toute une gamme de scénarios économiques jusqu’en 2100, en tenant compte de cinq facteurs qui leur semblait déterminer (et limiter) la croissance de la production : population, production agricole, ressources naturelles, production industrielle et pollution. Selon leurs estimations, dans le scénario de statu quo à mesure que la population et la production mondiale augmente, les ressources non renouvelables comme les minerais et les métaux s’épuisent, d’où une chute de la production industrielle et alimentaire ce qui finit par causer une famine, une forte baisse de la population humaine et des niveaux de vie très réduits pour tous.

Kate Raworth (2017) indique que l’analyse des chercheurs du MIT suscita une vive inquiétude quant à l’état de la planète. Les adeptes de l’économie dominante s’empressèrent de tourner ce modèle en dérision, parce qu’il sous estimait la rétroaction équilibrante du prix sur les marchés. Le prix Nobel William Nordhaus notamment s’est montré très critique vis-à-vis de celui-ci, car le modèle World 3, sur lequel il repose, ne comporte pas de fonction de production ni de prix, comme c’est le cas pour les modèles que manipulent habituellement les macroéconomistes[3]. Si, pour ces raisons, Nordhaus récusa les inquiétudes exprimées par Meadows et ses collègues quant à la poursuite de la croissance sur le long terme, il nota cependant que la question du changement climatique est nouvelle et mérite une attention particulière.

  • La plupart des modèles macroéconomiques ont tendance à sous-estimer les dommages générés par le réchauffement climatique et la dégradation de l’environnement

Dans son livre publié en 2016 et intitulé « Comment les économistes réchauffent la planète », Antonin Pottier précise que William Nordhaus a surtout critiqué le défaut de données pour nourrir les simulations du modèle World 3 et soutenir ses conclusions. Parmi les problèmes précis pouvant conduire à l’effondrement redouté, aucun ne résiste à l’examen des chiffres et ne doit être craint dans le siècle à venir. Sauf un seul : le changement climatique. Dès 1974, aiguillonné par le rapport du Club de Rome, Nordhaus identifie le changement climatique comme étant le seul problème environnemental susceptible d’avoir des effets macroéconomiques sérieux. Dès lors, il se consacre très tôt à l’exploration de ce phénomène encore mal connu. Il faut lui reconnaître ce mérite.

Dans une analyse coût-efficacité typique, Nordhaus teste les coûts associés à différents objectifs de stabilisation de la concentration des gaz à effet de serre. Pour choisir les objectifs, il est obligé de faire appel à son jugement au regard de la connaissance acquise sur le fonctionnement du climat. Il juge donc que le doublement de la concentration de CO2 (ce qui correspond à environ 550 ppm[4]) est certainement une borne à ne pas dépasser car elle conduirait à faire sortir les températures des variations connues.

Au début des années 1980, William Nordhaus proposa une analyse coût-bénéfice du changement climatique en équilibre partiel : il y a d’un côté des coûts de réduction et de l’autre des bénéfices, mais pas de rétroaction de l’un sur l’autre. Il tâtonne pendant toute cette décennie : chaque modèle successif montre une extension des facteurs économiques pris en compte, jusqu’au modèle final qui présente un monde clos, où toutes les quantités sont soumises aux lois des processus économiques, où tout ou presque devient endogène. Ce modèle, dit DICE pour Dynamic Integrated Model of Climate and the Economy, devient au cours des années 1990 le modèle canonique de l’évaluation intégrée du changement climatique.

A côté de William Nordhaus de nombreux économistes ont également évalué les coûts du réchauffement climatique. Plusieurs études ont estimé ce coût dans une fourchette comprise entre 5 et 20 points de PIB à long terme. Emmanuel Pont (2021)[5] synthétise la perte équivalente de PIB estimée par différents auteurs pour un réchauffement de 3°C:

  • 2,1% pour la version 2017 de DICE par Nordhaus qui utilise des estimations de dommages d’autres chercheurs, compilées par Nordhaus et Andrew Moffat ;
  • 10% pour Burke et al. (2015) avec une méthode statistique ;
  • 6,7% pour la méta-analyse de Howard & Sterner (2017), et même 9% en prenant en compte les risques catastrophiques ;
  • 10% en moyenne et 5% en médiane pour le sondage de Howard & Sylvan (2015) ;
  • 10% pour Pindyck (2019) qui interroge aussi des experts.

Plusieurs chercheurs spécialistes de l’environnement considèrent néanmoins que de nombreuses études économiques sous-estiment le coût du réchauffement climatique étant donné que celui-ci est incertain et difficile à estimer. Dans le rapport de Nicholas Stern publié en 2006 par exemple, l’estimation centrale des pertes générées par le réchauffement climatique de plus de deux degrés est de 13,8% du PIB pour l’année 2200, avec un intervalle de confiance de 90% que la perte réelle sera comprise entre 2,9% et 35,2% du PIB. Nicholas Stern avait, quelques années après la publication de son rapport, indiqué que les dommages générés par le changement climatique seraient certainement bien supérieurs…

Selon Eloi Laurent (2021), le changement climatique a le pouvoir de détruire toutes les économies du globe, y compris les plus efficaces, les plus productives les plus développées. Ollivier Bodin (2020) estime que les alertes des scientifiques du GIEC ne correspondent pas aux estimations réalisées par les économistes du coût du changement climatique sur base d’observations passées. La plupart des études économiques relatives à l’estimation du coût du réchauffement climatique ne prennent pas en considération l’ensemble des dommages générés par la dégradation de l’environnement liée à l’activité humaine mis en exergue dans le dernier rapport du GIEC : la perte de la biodiversité, l’épuisement des ressources naturelles, la dégradation des sols et des écosystèmes, le risque accru de pandémies, la montée des eaux, la hausse de l’insécurité hydrique et alimentaire, les inondations, les canicules, les feux de forêt, les cyclones et la dégradation des infrastructures humaines notamment[6]. Le GIEC estime que ces dommages sont difficilement prévisibles et qu’ils devraient progresser dans les prochaines années.

Selon une étude récente, menée par Gaya Herrington, responsable de la durabilité et de l’analyse des systèmes dynamiques au sein du cabinet comptable KPMG, publiée dans le Yale Journal of Industrial Ecology, les résultats des auteurs du livre « The limits to growth » vivement critiqués à l’époque,  s’avèrent en fait très proches de la réalité. Pour obtenir ces résultats, Gaya Herrington  et son équipe ont comparé les projections de 1972 avec les données actuelles réelles et tangibles du développement économique et de l’extraction des ressources. Ces auteurs ont pris en compte un ensemble de dix variables clés : la population, les taux de fertilité, les taux de mortalité, la production industrielle par tête (mesurée par la formation brute de capital fixe par tête), la production alimentaire, les services par tête, les ressources non renouvelables, la pollution persistante, le bien-être humain (mesuré par l’indice de développement humain) et l’empreinte écologique.

Gaya Herrington et son équipe estiment que les scénarios les plus probables sont ceux appelés « BAU2 » (business-as-usual) et « CT » (comprehensive technology). Les scénarios BAU2 et CT conduisent à un arrêt de la croissance aux alentours de 2040, selon cette étude qui met en cause le système de production capitaliste mondialisé. Les deux scénarios indiquent donc que le maintien du statu quo, c’est-à-dire la poursuite d’une croissance économique continue, n’est pas possible. Même associé à un développement et à une adoption technologiques sans précédent, le business as usual tel que modélisé conduirait inévitablement à un déclin du capital industriel, de la production agricole et des niveaux de bien-être au cours de ce siècle. Dans le scénario BAU2, la production industrielle baisse de 85 % entre 2040 et 2100. Dans le scénario CT la production industrielle baisse de 40 % entre 2040 et 2100. Toutefois, les mobilisations sociales et environnementales, la prise de conscience ces dernières années et notamment des jeunes générations sont un facteur d’optimisme pour Gaya Herrington. Il est encore possible d’atteindre le scénario SW (pour sustainable wordl) dans lequel la production industrielle sera stabilisée aux alentours de 2040 mais plus nous attendons plus nous nous écartons de ce scénario.

Ce dont on peut probablement s’attendre en l’absence de politique ambitieuse visant à limiter les impacts du changement climatique ce sont des crises économiques comparables à celle de la Covid-19 mais à des intervalles encore plus fréquents au cours des prochaines années. On pourrait alors subir une décroissance non désirée. Quoi qu’il arrive dans le monde demain, nous allons devoir fonctionner avec une croissance qui sera de plus en plus faible ce qui pose un certain nombre de défis. Une courbe en S qui s’aplanit à la fin dépeint un trajet soutenable à long terme pour la croissance du PIB selon Kate Rawort (2017). Il nous faut, selon Ayres & Warr (2009), anticiper la possibilité que la croissance  économique ralentisse ou devienne même négative. La croissance future du PIB n’est pas garantie mais surtout elle a de grands risques de prendre fin dans quelques décennies.

La science économique doit prendre davantage en considération les sciences naturelles. L’économie a d’abord voulu imiter la physique, mais elle a ensuite tout oublié des lois de la physique, comme le montrent les « meilleurs » modèles de l’économie du climat qui préconisent tranquillement un réchauffement optimal de 3,5 degrés à la fin du siècle, au mépris des véritables sciences du climat selon Eloi Laurent (2021). James Boyce (2020) montre que l’augmentation de la température moyenne mondiale qui accompagnerait le prix « optimal » du carbone recommandé par le modèle de Nordhaus (dit « DICE ») est égal de 3,5 °C d’ici à 2100 et continue de s’élever ensuite.  Le modèle DICE préconise donc une température supérieure du double de celle du consensus scientifique patiemment élaboré depuis plus de quatre décennies par des modèles qui se sont révélés visionnaires.

Nicholas Stern, Joseph Stiglitz & Charlotte Taylor (2022) estiment que la méthodologie particulière employée dans le cadre des modèles d’évaluation intégrés (tels que le modèle DICE de William Nordhaus), qui sont aujourd’hui les modèles qui dominent la littérature économique, présente de sérieuses lacunes, qui deviennent particulièrement pertinentes lorsqu’on confronte ces modèles aux réalités et aux risques immenses générés par le changement climatique. Ces modèles sous-estiment l’incertitude profonde et les conséquences que pourrait générer le changement climatique en termes de pertes potentielles de vies humaines et de moyens de subsistance. Ces lacunes limitent la capacité de ces modèles à fournir des orientations adéquats s’agissant de la façon la plus appropriée d’atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Ces auteurs estiment que les politiques économiques se doivent d’être davantage agressives s’agissant de la lutte contre le réchauffement climatique que ce que préconscient les modèles d’évaluation intégrés. Seuls quelques modèles d’évaluation intégrés récents tiennent compte de l’impact que pourrait avoir les points de basculement climatiques[7] (Cai et al 2016 ; Grubler et al. 2018 ; Yumashev et al. 2019 ; Dietz et al., 2021).

D’après Eloi Laurent (2021), les économistes n’attachent pas assez d’importance aux questions environnementales. Quand ils s’en soucient, c’est souvent pour en minimiser la portée et proposer pour atténuer les crises écologiques contemporaines des remèdes qui les aggravent, comme l’accélération de la croissance économique, la monétarisation des bienfaits écosystémiques, la minimisation de la valeur de dommages ou l’exagération du coût des solutions.

Il est possible d’utiliser pour le démontrer les critères de la bibliométrie (c’est-à-dire la comptabilité des publications académiques et de leur reconnaissance). Une étude publiée en 2019 par Andrew Oswald et Nicolas Stern visant à évaluer la place des enjeux environnementaux dans les publications académiques en économie donne un premier aperçu de l’ampleur du vide. Sur 77 000 articles publiés depuis leur création dans les 10 revues les plus influentes de la discipline, 57 exactement ont été consacrés au changement climatique, soit moins de 0,1%.

  • Les limites de la libre concurrence, du libéralisme et du signal prix

Les idées défendues par Frederich Hayek, Milton Friedman, Ludwig von Mises et Frank Knight, qualifiées de « néolibérales », ont fortement structuré le débat économique des trente dernières années. Selon ce modèle néolibéral, le marché est efficace il faut donc le laisser libre ; les entreprises sont innovantes il faut les laisser aux commandes et il faut avoir confiance de la finance qui est infaillible. Eugène Fama a même reçu le prix Nobel d’économie en 2013 pour avoir estimé que les marchés financiers étaient efficients.

D’après ce que les économistes appellent le consensus de Washington, la meilleure façon d’atteindre la croissance demandait des budgets sains, une inflation faible, des marchés dérégulés et le libre-échange (Paul Krugman 2009). Ces principes sont sujets à la controverse. L’analyse économique suggère toutefois que le développement de la concurrence peut avoir des effets à la fois négatifs et positifs sur l’économie. En 2016, trois économistes du FMI (Jonathan  Ostry, Prakash Loungani, & Davide Furceri) constataient que certaines politiques néolibérales au lieu de favoriser la croissance, avaient accru les inégalités et compromis ainsi une expansion durable. Plusieurs études montrent par ailleurs que la hausse des inégalités de revenus entraîne des effets dommageables pour l’économie (voir notamment Kumhof & Rancière, 2010).

Selon Joseph Stiglitz (2017), la concurrence entre les juridictions peut être saine, mais elle peut aussi générer une course vers le bas. Le capital se dirige alors vers la juridiction qui l’impose au taux le plus bas, et non là où sa productivité marginale est la plus élevée. Pour être compétitives, les autres juridictions doivent abaisser le taux d’imposition qu’elles appliquent au capital, ce qui réduit les possibilités de redistribution de l’impôt et donc d’investissement dans la transition vers une économie bas-carbone.

Dans un article publié en 2017, Antonin Pottier considérait que la mise en concurrence des producteurs génère constamment de nouvelles externalités, ce qui multiplie les probabilités de franchir une frontière écologique. Par ailleurs, l’avènement de l’homo oeconomicus, motivé par le gain, rend, selon Antonin Pottier, peu probable de consacrer des moyens économiques pour éviter de dépasser les frontières écologiques au détriment de la croissance. L’internalisation des externalités négatives pourrait être considérée par certaines entreprises comme un coût susceptible d’affecter leur compétitivité. Cela renvoie au problème du passager clandestin bien connu en économie : même s’il y a un bénéfice collectif à réduire les externalités négatives, certaines entreprises ou Etats considérés individuellement auraient intérêt à ne pas le faire.

Tariq Fancy qui a été chargé pendant deux ans, des investissements ESG[8] au sein de la société BlackRock donne raison à l’analyse d’Antonin Pottier et estime que la plupart des investisseurs ne sont pas encore suffisamment intéressés par la finance verte. Selon lui, les investisseurs traitaient les critères ESG juste ça comme un simple exercice administratif à suivre, où il fallait cocher les bonnes cases[9]. De leur point de vue, ces critères n’ont aucune conséquence sur leur rendement qui est leur objectif principal. Beaucoup d’investisseurs ont indiqué à Tariq Fancy « qu’ils adoreraient appliquer les critères ESG, qu’ils croyaient au dérèglement climatique. Mais leur rôle était de se concentrer sur les rendements et les risques de leur portefeuille ». Sans compter que leur rémunération était indexée sur leur retour sur investissement, pas sur leur vertu écologique… Selon Tariq Fancy, « Le changement climatique est justement un échec des marchés, parce qu’on ne donne pas de valeur financière à l’environnement. »

Afin d’amener les entreprises et les pays à s’engager dans la nécessaire transition bas-carbone et à respecter les engagements de l’accord de Paris en 2015, de nombreux économistes proches du courant néoclassique, estiment qu’il convient d’établir un prix unique mondial du carbone. Qu’il résulte d’une taxe ou d’un marché mondial du carbone, ce prix doit être suffisamment élevé pour inciter les acteurs économiques à investir dans des solutions bas-carbone.

Le hic est que le prix unique mondial du carbone, est une chimère qui n’a aucune chance de se réaliser selon Franck Aggeri (2017)[10]. Comme l’analyse Antonin Pottier (2016), le prix unique du carbone est une proposition à la fois politiquement irréaliste mais également dangereuse, car elle détourne l’attention d’autres options plus praticables. Ses conséquences économiques pour les pays émergents où le coût de l’énergie est bas seraient insupportables. Des simulations pour l’Inde mettent en évidence que le choc économique serait tel pour le pays que l’économie locale en serait durablement déstabilisée. A cette objection, les économistes néoclassiques répondent qu’il suffit d’organiser des transferts monétaires des pays du Nord vers les pays du Sud pour corriger ces effets négatifs. Mais, comme l’analyse Antonin Pottier, qui peut sérieusement imaginer que les pays du Nord fassent un chèque de plusieurs dizaines de milliards de dollars sur la seule base d’études économiques ?

Selon Franck Aggeri, il existe des alternatives au prix unique du carbone, même si elles sont moins médiatisées. Plusieurs pays ont d’ores et déjà engagé des politiques volontaristes en la matière dont il serait bon de tirer les leçons. A cet égard, l’expérience suédoise est intéressante. Elle combine, en effet, une variété de mesures déployées au niveau national, régional et local. Celles-ci consistent en une combinaison d’éléments hétérogènes : réglementations, planification locale, politiques éducatives, politiques d’innovation, taxe carbone et autres incitations économiques, etc. L’objectif est d’accompagner une transformation en profondeur de l’économie.

Malgré ces problèmes fondamentaux de méthodologie et de sensibilité, les modèles d’évaluation intégrés ont exercé une énorme influence, notamment aux États-Unis, et leurs lacunes ont eu de graves conséquences politiques selon Nicholas Stern, Joseph Stiglitz & Charlotte Taylor (2022). Les modèles d’évaluation intégrés ont été particulièrement influents dans le calcul des prix du carbone pour l’évaluation des programmes publics. Ces modèles ont été utilisées pour suggérer des niveaux de taxes sur le carbone relativement bas et pour soutenir l’argument selon lequel la politique en matière de lutte contre changement climatique devrait s’appuyer principalement par la tarification du carbone. Ces modèles ont joué un rôle majeur, selon ces auteurs, dans les rapports du GIEC, qui, à leur tour, ont joué un rôle de premier plan dans le débat public. Compte tenu des graves limitations que présentent les modèles d’évaluation intégrés et de la multitude de questions clés qui se posent pour favoriser une transition écologique, il est logique d’adopter une diversité d’approches d’analyse et de modélisation afin d’apporter des réponses politiques pertinentes estiment Nicholas Stern, Joseph Stiglitz & Charlotte Taylor. La transition vers une économie bas-carbone va générer des changements structurels fondamentaux dans nos économies. Il existe un consensus récent visant à utiliser une grande variété de mesures, incluant la tarification carbone, des programmes d’investissements écologiques, des programmes de conception ou de réforme des systèmes (par exemple des villes ou des réseaux électriques), des interventions sur les marchés, ainsi que la mise en place de normes et de réglementations (Commission Stern-Stiglitz (2017), Agence internationale de l’énergie (2021), FMI (2021)).

Marc Baudry (2021)[11] précise que si le signal prix peut aider à convaincre les agents économiques à faire leur arbitrage, il faut néanmoins que des technologies alternatives aux technologies émettrices de carbone existent. Lors de la crise des gilets jaunes, le prix des carburants a augmenté mais il n’y avait pas vraiment d’alternatives aux véhicules à essence permettant aux ménages d’éviter de payer la taxe. Il y a des coûts à la transition qu’il faut savoir amoindrir pour rendre la transition acceptable. Au niveau des ménages des politiques distributives pourraient permettre de compenser les écarts de revenus par les recettes de la fiscalité écologique.

La tension actuelle sur les marchés énergétiques souligne la difficulté principale du maniement de cet instrument : le prix du CO2 pèse en proportion bien plus sur les ménages à faible revenu (Christian De Perthuis, 2021)[12]. Il convient donc de redistribuer le produit de la taxe en ciblant prioritairement les plus vulnérables. En l’absence d’une telle redistribution, la tarification carbone rationne la consommation énergétique des pauvres. Elle génère, à raison, des réactions sociales du type « gilets jaunes » qui privent alors le pays d’un instrument clef pour accélérer la transition.

A l’échelle du monde, on se trouve face à un problème similaire. Malgré leur niveau très bas d’émission par habitant, les pays moins avancés émettent nettement plus de CO2 en proportion de la richesse qu’ils créent (mesurée par le PIB). Une tarification carbone mondiale sans redistribution aurait pour plus clair résultat de bloquer leur développement. Il rationnerait les plus pauvres. Pour cet auteur, il ne faut pas pour autant renoncer à toute tarification carbone au plan international. Sauf à imaginer un fonctionnement alternatif de l’économie mondiale dont nul ne sait esquisser les prémisses, ce serait retarder la transition bas-carbone. Il convient, selon Christian De Perthuis, de mettre en place une tarification carbone redistributive qui rationnerait la consommation d’énergie des pays les plus riches en redistribuant les ressources collectées vers les pays moins avancés.

D’après Sébastien Jean (2021)[13], l’Inde indique aux pays développés, dans le cadre des négociations internationales relatives au climat, qu’elle partage les préoccupations relatives au changement climatique mais que sa priorité est le droit au développement et que le devoir de ses gouvernants est de sortir son peuple de la pauvreté alors même que la transition énergétique est couteuse. Il est nécessaire que les efforts soient répartis. Les pays les plus avancés doivent montrer l’exemple et se fixer des objectifs ambitieux. Il convient de transférer les avancées technologiques qui permettront de remplir en partie les objectifs de transition vers une économie bas-carbone. Selon Anne-Laure Delatte (2021)[14], les pays avancés qui ont délocalisé leur production dans les pays en voie de développement (et donc une partie de leurs émissions de gaz à effet de serre) ont une responsabilité et doivent engager le dialogue avec les pays en voie de développement.

Dans le cadre de ses perspectives économiques d’avril 2022, le FMI estime qu’un prix plancher international du carbone, différencié selon le niveau de revenu des pays, et des initiatives financières multilatérales seront nécessaires pour coordonner les efforts nationaux visant à réduire les risques d’événements climatiques catastrophiques.

  • Il convient de mobiliser l’ensemble des acteurs économiques pour sortir de la crise écologique

La transition écologique et énergétique implique un changement de modèle économique profond nécessitant des investissements publics et privés considérables et un engagement de tous les acteurs. Selon le dernier rapport de l’Agence internationale de l’énergie[15] et son scénario « des engagements annoncés », l’augmentation de la température moyenne mondiale serait d’environ 2,6 °C à l’horizon 2100, si toutes les promesses des États étaient mises en œuvre. Il faudrait 4 trillons d’euros d’investissements supplémentaires pour rester en dessous de la barre de 2 degrés selon l’Agence internationale de l’énergie. Ces investissements viendront à la fois des entreprises de l’Etat et des ménages. Le GIEC étudie quant à lui cinq scénarios et dans le scénario central le réchauffement climatique pourrait atteindre 2,7°C à la fin du siècle.

Les coûts nécessaires pour stabiliser le climat sont importants mais ces coûts sont gérables et un retard dans la transition vers une économie bas-carbone serait dangereux et bien plus coûteux. Les experts du GIEC estiment que le développement résilient au changement climatique est cependant encore possible en consacrant des efforts financiers plus importants dans certains secteurs clés :

  • La transition énergétique pour réduire les émissions de CO2 ;
  • Une meilleure gestion de l’eau et de l’irrigation mais aussi une meilleure adaptation des cultures aux conditions climatiques via l’agroécologie ;
  • La préservation du milieu naturel (restauration des forêts et des écosystèmes naturels, arrêt de l’urbanisation dans les zones côtières, végétalisation des villes…).

Dans le troisième volet du sixième rapport sur le changement climatique, les experts du GIEC estiment que les progrès en matière d’alignement des flux financiers sur besoins nécessaires pour atteindre la neutralité carbone restent lents. Il existe un déficit de financement climatique qui reflète une mauvaise répartition persistante des capitaux mondiaux. La mise en œuvre relativement lente des engagements pris par les pays et les parties prenantes du système financier en vue d’accroître le financement en faveur du climat reste insuffisante par rapport au besoin urgent d’une action climatique ambitieuse selon les experts du GIEC. Les retards que nous sommes en train de prendre par rapport aux besoins d’investissements en faveur du climat qui permettraient de respecter l’accord de Paris, entraîneront d’importantes séquestrations de carbone, des actifs échoués et d’autres coûts supplémentaires.

C’est lorsque les ménages, les communs[16], le marché et l’État, qui sont les 4 principaux domaines de l’économie, agissent ensemble qu’ils fonctionnent le mieux d’après Kate Raworth (2017). Si le marché est puissant, lorsqu’il évolue sans contraintes, il dégrade le monde vivant en surexploitant les ressources de la Terre et en la surchargeant de déchets. Sa dynamique inhérente tend à creuser les inégalités sociales et à générer une instabilité économique. Il faut donc l’intégrer judicieusement selon Kate Raworth. Kate Raworth, et d’autres analystes estiment que la finance doit être au service de la société et qu’il est nécessaire de fixer davantage d’objectifs aux entreprises que celui de la simple valorisation de la valeur pour les actionnaires. Les entreprises ont un rôle important à jouer dans la transition vers une économie soutenable. Elles doivent pour cela aller même au-delà de l’impact zéro qui consiste à concevoir des produits, des services, des bâtiments ayant un impact environnemental neutre selon Kate Raworth.

Si Garrett Hardin décrivait les communs comme tragiques ce qui s’accordait parfaitement avec le scénario néolibéral, c’est parce que selon lui le libre accès entraînait inévitablement l’abus et l’épuisement des pâturages, des forêts et des zones de pêche. Sur ce point, il avait très probablement raison. Elinor Ostrom, a toutefois démontré que les communs gérés avec succès n’étaient pas intrinsèquement laissés en libre accès. Au contraire, ces communs à succès sont gouvernés par des communautés clairement définies avec des règles acceptées collectivement et des sanctions punitives pour ceux qui les violaient et sont loin d’être tragiques. Beaucoup de communautés gèrent en fait leurs terres et ses ressources communes mieux que ne le font les marchés, et mieux que des systèmes étatiques comparables selon l’analyse d’Elinor Ostrom. Elinor Ostrom a démontré que la valeur véritablement protectrice n’est pas économique mais sociale-écologique : c’est la mise en évidence des liens sociaux qui sous-tendent les ressources naturelles qui permet de les préserver via l’institutionnalisation de rapports symétriques de confiance, de réciprocité et de justice, ce que recouvre la notion de « bio-solidarité » proposée par Eloi Laurent (2021).

Les économistes ultra-libéraux comme Milton Friedman estiment, contrairement à Keynes que le rôle de l’Etat dans l’économie doit être le plus faible possible. La crise des subprimes et celle de la Covid-19 donnent raison à Keynes qui défendait la nécessité pour l’Etat d’intervenir dans l’économie sans se limiter pour cela pas à un Etat gendarme. Il en est de même pour la crise écologique. La réussite extraordinaire des sociétés technologiques comme Apple est parfois présentée comme la preuve du dynamisme du marché. Mariana Mazzucato rappelle néanmoins que le secteur privé bénéficie des investissements publics et que l’investissement public est complémentaire de l’investissement privé. Marina Mazzucato souligne que la recherche fondamentale ayant permis chacune des innovations rendant le smartphone intelligent  (GPS, microprocesseur, écran tactile, Internet même) a été financée par le gouvernement des États-Unis. Le rôle de l’Etat est crucial pour accélérer la transition vers un modèle économique soutenable. Comme le souligne Kate Raworth, celui-ci peut, par bien des manières, encourager activement une alternative régénérative, notamment en structurant la fiscalité et les réglementations, en intervenant comme investisseur transformatif et en favorisant le dynamisme des communs.

Les experts du GIEC estiment néanmoins dans le cadre du chapitre 15 du troisième volet du sixième rapport sur le changement climatique que les investisseurs, les banques centrales et les régulateurs financiers sont à l’origine d’une sensibilisation accrue au risque climatique. Cette prise de conscience peut favoriser l’élaboration et la mise en œuvre de politiques climatiques. Les experts du GIEC considèrent par ailleurs, que les risques liés aux inégalités nationales et internationales, qui constituent un obstacle à la transformation de l’économie, ne sont pas encore suffisamment pris en considération dans les décisions de la communauté financière. Un pilotage plus fort par les régulateurs et les décideurs politiques a le potentiel de combler cette lacune selon les experts GIEC. Une plus grande coopération entre les secteurs public et privé peut également encourager le secteur privé à accroître ses investissements.

  • Passer d’une économie du PIB à une économie du bien-être

Les travaux de la commission Stiglitz-Sen-Fitoussi se sont efforcés de proposer des indicateurs synthétiques de bien-être plus appropriés que le PIB, ainsi que des tableaux de bord visant à appréhender performance économique et qualité de la vie à travers leurs différentes facettes. Sans négliger l’intérêt qui s’attache à la construction d’indicateurs synthétiques, la commission a surtout privilégié dans ses travaux le caractère multidimensionnel du bien-être (Marie Clerc, Mathilde Gaini, Didier Blanchet (2010)). Elle n’a pas proposé de tableau de bord tout constitué, mais son rapport peut ainsi se lire comme une esquisse des grandes lignes à suivre lors de la construction d’un tel tableau de bord. Il convient, selon la commission Stiglitz-Sen-Fitoussi, de faire le meilleur usage des indicateurs que produit la comptabilité nationale. Le PIB n’est que l’un d’entre eux. Il a été conçu pour le suivi conjoncturel de l’activité économique, et il n’est pas le mieux placé pour approcher la notion de bien-être de la population. D’autres indicateurs monétaires issus de la comptabilité nationale peuvent lui être préférés. Parmi ces indicateurs non monétaires, certains restent de type objectif (par exemple l’espérance de vie), mais le rapport préconise aussi qu’une place soit faite à des indicateurs subjectifs. La mesure du bien-être courant et de sa soutenabilité sont deux questions qui doivent être clairement distinguées. Avec la soutenabilité, il s’agit de savoir si nous léguons aux générations suivantes suffisamment de ressources pour leur assurer un niveau de bien-être au moins équivalent au nôtre. Cette question a elle-même plusieurs dimensions : la commission a notamment proposé de distinguer la soutenabilité économique, qui reste appréhendable à l’aide d’indicateurs monétaires, et la soutenabilité environnementale, qui est mieux traitée par une batterie d’indicateurs physiques.

Pour pallier aux lacunes du PIB, Tim Jackson & Peter Victor (2020) suggèrent que les politiques économiques prennent en considération deux indicateurs composites : l’indice de charge environnementale, d’une part, et l’indice de prospérité durable, d’autre part.  L’indice de charge environnementale est conçu pour refléter les impacts environnementaux de l’activité économique non pris en considération par le PIB : la décarbonisation du secteur de l’électricité, la décarbonisation des secteurs non électriques, les co-bénéfices provenant de la décarbonisation sur la santé et l’environnement et les bénéfices non liés au carbone provenant d’autres investissements durables. L’indice de prospérité durable correspond à la somme pondérée du PIB par habitant, du coefficient de Gini relatif aux revenus des ménages[17], du nombre moyen d’heures travaillées dans l’économie, du ratio entre les prêts et les avoirs nets des ménages, du ratio dette publique/PIB, du taux de chômage et de l’indice de charge environnementale. Ces auteurs montrent par ailleurs que l’amélioration de la situation environnementale et sociale à travers ces deux indicateurs est possible même lorsque le taux de croissance du PIB devient nul.

Eloi Laurent (2021) estime que les pouvoirs publics doivent s’inquiéter en propriété de la vie et de la santé avant de s’inquiéter de l’économie. Si nous continuons de dégrader notre environnement, nous mutilerons notre santé et nous anéantirons notre économie selon cet auteur. Les pouvoirs publics devraient donc s’atteler à faire de l’espérance de vie la pierre angulaire comme on parlait autrefois, au milieu du XXe siècle de plein emploi (dont la pierre angulaire était le taux de chômage). Les pouvoirs publics devraient ainsi prendre pour boussole l’espérance de vie qui reflète largement les injustices sociales de santé (en fonction de lieu de vie mais aussi du niveau de revenu ou d’éducation) et de manière générale les conditions sociales de l’existence déterminées par le genre ou la classe sociale, mais aussi l’emploi ou la densité des liens sociaux.

Kate Raworth (2017) propose quant à elle de concevoir le système économique selon un Donut au sein duquel l’humanité devrait prospérer. En deçà du fondement social du Donut se trouvent les pénuries en matière de bien-être humain, qu’affrontent ceux auxquels manquent les choses essentielles comme la nourriture, l’éducation et le logement. Au-delà du plafond écologique se trouve un excès de pression sur les systèmes sources de vie, par le biais du changement climatique de l’acidification des océans et de la pollution chimique par exemple. Mais entre ces deux ensembles de limites se situe un endroit agréable (qui a clairement la forme d’un Donut), un espace à la fois écologiquement sûr et socialement juste pour l’humanité. L’anneau du Donut, son fondement social, définit les nécessités de la vie dont toute personne ne devrait manquer. Ces douze bases incluent : une alimentation suffisante ; une eau potable et des conditions sanitaires décentes ; l’accès à l’énergie et à un équipement de cuisine propre ; un logement correct ; l’accès à l’éducation et aux soins de santé ; un revenu minimum et un travail digne de ce nom ; l’accès aux réseaux d’information et de soutien local.

Les scientifiques ont proposé un ensemble de neuf limites comme des garde-fous au-delà desquels chaque zone de danger commence selon eux. Pour éviter un changement climatique dangereux, par exemple, il faut que la concentration de dioxyde de carbone dans l’atmosphère reste inférieure à 350 parties par millions. Pour limiter la reconversion des terres, il faut veillez à ce qu’au moins 75% des terres jadis forestières restent boisées. En matière d’engrais chimiques, il faut ajouter dans le sol de la terre au maximum 62 millions de tonnes d’azote et 6 millions de tonnes de phosphore par an.

Ces neufs limites planétaires définissent le plafond écologique du Donut, limite que nous ne devons pas dépasser si nous voulons préserver la stabilité de notre foyer. Ensemble, le fondement social des droits humains et le plafond écologique des limites planétaires créent des frontières internes et externes du Donut. Et elles sont, bien sûr, étroitement interconnectées rappelle Kate Raworth. Malgré les avancées sans précédent dans le bien-être humain au cours des 70 dernières années, nous sommes allés bien au-delà des limites dans les deux sens. Bien des millions d’individus vivent encore en deçà de chacune des dimensions du fondement social. Nous avons déjà transgressé 6 limites planétaires : celles du changement climatique ; de la reconversion des terres ; de la charge en azote et en phosphore ; de la perte de la biodiversité[18], la limite de la  pollution chimique et la limite du cycle de l’eau douce. L’image du progrès économique ne doit plus être une croissance sans fin du PIB mais une prospérité équilibrée à l’intérieur du Donut. Dans la mesure où nous sommes actuellement en total déséquilibre, puisque nous avons franchi les limites de part et d’autre du Donut, revenir à l’équilibre est une tache conséquente mais pas désespérée.

Eloi Laurent (2021) estime qu’il convient de saisir l’interaction, l’articulation, l’imbrication et non pas la simple juxtaposition ou mise en parallèle entre systèmes sociaux et systèmes naturels. Puisqu’il s’agit d’entrelacer question sociale et défi écologique, il faut donc que les cercles du donut de Kate Raworth entrent en relation d’une façon ou d’une autre. L’image de cercles concentriques, avec au centre les différentes dimensions du bien-être humain et en périphérie les écosystèmes, permet déjà  de visualiser l’encastrement des systèmes économiques et sociaux dans la biosphère. Il est nécessaire, selon Eloi Laurent, d’aller plus loin afin d’intégrer les cercles sociaux et naturels, en esquissant par exemple une boucle de rétroaction sociale-écologique qui reproduit le symbole mathématique de l’infini.

Bien que les banques centrales, les régulateurs et les institutions financières accordent une importance grandissante au risque climatique, ces acteurs ont tendance à s’appuyer surtout sur les indicateurs de la comptabilité classique (PIB, retour sur investissements…) pour guider les politiques économiques. Ces indicateurs semblent devenir inadaptés aux enjeux modernes notamment car ils ne prennent pas en considération l’ensemble des effets dommageables liés au réchauffement climatique, à la destruction de l’environnement et de la biodiversité et à la raréfaction des matières premières, mis en exergue notamment dans le sixième rapport du GIEC. Etant donné que ces dommages sont difficiles à estimer, s’appuyer sur des indicateurs classiques en comptabilité peut s’avérer contre-productif et générer des dommages sociaux-économiques importants.

  • Rendre notre modèle économique soutenable et solvable

Au début du XXIe siècle, nous avons transgressé, six limites planétaires, des milliards d’individus vivent encore dans un dénuement extrême et les 1% des plus riches possèdent la moitié de la richesse financière du monde. Ce sont des conditions idéales pour nous pousser vers l’effondrement selon Kate Raworth (2017). Si nous voulons éviter un tel sort pour notre civilisation planétaire, nous avons clairement besoin d’une transformation radicale de notre système économique. L’économie d’aujourd’hui est dégénératrice et pratique la division par défaut. L’économie de demain doit être régénératrice et pratiquer la distribution à dessein. Une économie distributive à dessein, c’est une économie dont la dynamique tend à disperser et à faire circuler la valeur à mesure qu’elle est créée, au lieu de la concentrer entre des mains toujours moins nombreuses.

Raisonner, non plus principalement en termes de rentabilité mais surtout en termes de solvabilité permettrait de résoudre de nombreux problèmes économiques auxquels l’humanité est confrontée. Il est nécessaire selon Alexandre Rambaud (2020)[19] de mettre en œuvre une comptabilité internationale qui permette de prendre en compte les externalités socio-environnementales bien que dans la pratique cela soit encore difficile à réaliser.

Deux positions existent s’agissant de l’intégration d’aspects extra-financiers propres à la transition écologique :

  • Il convient, selon le premier courant d’intégrer des aspects extra-financiers selon leur capacité à générer des revenus futurs ;
  • Le deuxième courant considère davantage les problèmes de stocks nécessaires à la vie (climat, biodiversité, matières premières…) qui sont en train d’être dégradés.

Il convient, selon Alexandre Rambaud et comme le suggère le deuxième courant de prendre en compte la dégradation des stocks qui est pour l’instant non prise en compte dans le système comptable.  Celui-ci doit prendre en compte les dettes de l’homme vis-à-vis du climat et des écosystèmes.

Si la plupart des institutions financières qui commencent à intégrer les enjeux climatiques dans les choix d’investissements s’inspirent surtout du premier courant, certaines commencent à travailler en tenant compte des problématiques soulevées dans le deuxième courant. La comptabilité devrait ainsi prendre en considération les coûts nécessaires pour préserver toutes ces myriades d’entités et regarder ensuite au niveau de la finance, la façon dont ces coûts peuvent être couverts. Il convient ainsi de raisonner en termes de solvabilité plutôt qu’en termes de rentabilité. Les organisations doivent d’abord être solvables plutôt que rentables. Une entreprise rentable mais non solvable est incapable de couvrir ses dettes. La solvabilité devrait ainsi être étendue aux impacts socio-environnementaux.

Dans cette optique, Jacques Richard et Alexandre Rambaud ont proposé une la triple comptabilité « CARE » (« comptabilité adaptée au renouvellement de l’environnement »), qui applique les normes comptables traditionnelles du capital financier aux capitaux naturels et humains afin de comptabiliser et intégrer la dégradation annuelle de ces derniers dans les comptes financiers des entreprises. Par cette extension du modèle existant aux autres capitaux, l’objectif du modèle CARE est de garantir la conservation du patrimoine des écosystèmes[20].

Jacques Richard et Alexandre Rambaud (2020) montrent, dans le cadre de leurs travaux, que le système économique ne pourra devenir durable et vertueux que lorsqu’il mettra sur un pied d’égalité le capital financier et les deux autres composantes de toute activité économique : le capital humain (le personnel qui investit sa force de travail) et le capital naturel (toutes les choses qui rendent la vie humaine sur Terre possible).

Conclusion

Selon plusieurs recherches et analyses récentes, le PIB et les indicateurs financiers et comptables, qui sont aujourd’hui principalement utilisés par l’humanité pour guider les politiques économiques, ne permettent pas de mesurer correctement le bien-être humain et semblent insuffisamment adaptés aux enjeux économiques et écologiques d’aujourd’hui et de demain. Si à la sortie de la seconde guerre mondiale, la hausse du PIB s’accompagnait d’une baisse des inégalités dans les pays de l’OCDE,  depuis  les années 1980, l’augmentation du PIB dissimule un creusement des inégalités. Dans les pays occidentaux la croissance du PIB s’affaibli progressivement. Le taux de croissance annuel moyen du PIB de l’Italie est même négatif pour la période 2010-2021.  L’accroissement des inégalités limite la capacité de nos économies à réaliser les investissements nécessaires à la transition vers une économie bas-carbone et soutenable.

Plusieurs économistes ont estimé le coût du réchauffement climatique dans une fourchette comprise entre 5 et 20 points de PIB à long terme. Certains spécialistes estiment que la plupart des études économiques ont tendance à sous-estimer l’ensemble des dommages générés par le réchauffement climatique et la dégradation de l’environnement liés à l’activité humaine et mis en exergue notamment dans le deuxième volet du sixième rapport du GIEC.  Selon une étude récente, du cabinet comptable KPMG, publiée dans le Yale Journal of Industrial Ecology, les résultats des auteurs du rapport Meadows sur les limites de la croissance vivement critiqués à l’époque,  s’avèrent en fait très proches de la réalité. Selon cette étude, la surexploitation des ressources naturelles pourrait générer une baisse de la production industrielle allant jusqu’à 85 % entre 2040 et 2100. Il est encore possible, selon cette étude, d’atteindre un scénario dans lequel la production industrielle serait stabilisée aux alentours de 2040 mais plus nous attendons plus nous nous écartons de ce scénario.

Nicholas Stern, Joseph Stiglitz & Charlotte Taylor (2022) estiment que la méthodologie particulière employée dans le cadre des modèles d’évaluation intégrés (tels que le modèle DICE de William Nordhaus), qui sont aujourd’hui les modèles qui dominent la littérature économique, présente de sérieuses lacunes, qui deviennent particulièrement pertinentes lorsqu’on confronte ces modèles aux réalités et aux risques immenses générés par le changement climatique. Les dommages générés par la hausse des températures et la dégradation de l’environnement (perte de la biodiversité, épuisement des ressources naturelles, incendies, montée des eaux…) pourrait détruire la valeur de certains actifs et générer des effets Minsky comme cela fut le cas lors de la crise de subprimes.

Les politiques économiques visant favoriser à la croissance du PIB sans prendre suffisamment en considération les dommages qui seront générés par le changement climatique et la destruction de l’environnement risquent de produire l’effet inverse et de générer des dommages conséquents sur l’économie dans les années à venir ainsi que des dommages sociaux qui ne sont pas nécessairement pris en compte par l’analyse économique (la perte de nombreuses vies humaines notamment qui d’un point de vue éthique est difficile à estimer en unités monétaires…). Ces politiques peuvent apparaitre bénéfiques à court terme mais auront des incidences négatives sur la qualité de vie à moyen terme. La décroissance du PIB et l’austérité présentent aussi des inconvénients même si certaines activités économiques (comme la consommation d’énergies fossiles notamment) devront et vont inexorablement décroitre. Il va nous falloir revoir notre modèle de consommation et fonctionner davantage selon les principes de l’économie circulaire[21].

La libre concurrence, le signal prix et le libéralisme présentent des insuffisances pouvant ralentir la transition vers une économie soutenable. En l’absence de comptabilité durable, la mise en concurrence des entreprises et des Etats retarde l’incitation de ces acteurs à investir massivement dans des technologies respectueuse de l’environnement.

Pour sortir de la crise écologique, il convient de mobiliser l’ensemble des acteurs économiques. La transition écologique et énergétique nécessite des investissements considérables qui viendront à la fois des entreprises, des Etats et des ménages. La coopération entre Etats, ménages et entreprises a un rôle important à jouer pour cela.

Les experts du GIEC estiment, dans le cadre du troisième volet du sixième rapport sur le changement climatique, que les risques liés aux inégalités constituent un obstacle à la transformation vers une économie bas-carbone et ne sont pas encore suffisamment pris en considération dans les décisions de la communauté financière.

Certains économistes ultra-libéraux comme Milton Friedman estiment, contrairement à Keynes que le rôle de l’Etat dans l’économie doit être le plus faible possible. Force est de constater que l’histoire donne raison à Keynes. Le rôle de l’Etat est crucial pour accélérer la transition vers un modèle économique soutenable. Comme le souligne Kate Raworth, celui-ci peut par bien des manières encourager activement une alternative régénérative, notamment en structurant la fiscalité et les réglementations, en intervenant comme investisseur transformatif et en favorisant le dynamisme des communs.

Les entreprises ont aussi un rôle important à jouer dans la transition vers une économie bas-carbone mais doivent pour cela adopter des modèles vertueux et sortir du court-termisme. Le secteur privé et financier doit jouer le rôle de poumon de l’économie et ne doit plus contribuer à affaiblir l’économie comme cela a été notamment le cas lors de la crise des subprimes.

Bien que le FMI souligne dans ses perspectives économiques publiées au mois de Janvier 2022 qu’il soit impératif d’investir dans les politiques climatiques pour réduire le risque d’un changement climatique catastrophique, les institutions financières ont encore tendance à trop s’appuyer sur les indicateurs de la comptabilité classique (PIB, retour sur investissements…) qui sont de moins en moins adaptés aux enjeux modernes notamment car ils ne prennent pas en considération l’ensemble des effets dommageables liés au réchauffement climatique, à la destruction de l’environnement et de la biodiversité et à la raréfaction des matières premières, mis en exergue notamment dans le sixième rapport du GIEC. Etant donné que ces dommages sont difficiles à estimer, s’appuyer sur des indicateurs classiques en comptabilité peut s’avérer contre-productif et générer des dommages sociaux-économiques importants.

Pour résoudre le problème de la crise écologique, décarbonner l’économie et nous éviter de devoir subir des dommages considérables dans les prochaines années, la science économique doit à présent aller au-delà du PIB et s’appuyer sur de nouveaux indicateurs plus appropriés qui permettront de rendre la vie humaine sur Terre possible et agréable au 21ième siècle. Il convient pour cela de porter davantage d’attention au concept de soutenabilité plutôt qu’à celui de croissance à tout prix.

Les pouvoirs publics devraient accorder davantage d’importance à des indicateurs tels que le niveau moyen d’émissions de gaz à effet de serre par habitant, des indicateurs permettant de mesurer le niveau des inégalités, des indicateurs composites permettant de mesurer le bien-être humain comme l’indice de charge environnementale ou l’indice de prospérité durable développés par Tim Jackson & Peter Victor.

Raisonner, non plus principalement en termes de rentabilité mais surtout en termes de solvabilité permettrait d’apporter des solutions aux problèmes écologiques qui sont les nôtres et qui le seront davantage dans les années qui arrivent. Comme le montrent les travaux de Jacques Richard et Alexandre Rambaud (2020), le système économique ne pourra devenir durable et vertueux que lorsqu’il mettra sur un pied d’égalité le capital financier et les deux autres composantes de toute activité économique : le capital humain (le personnel qui investit sa force de travail) et le capital naturel (toutes les choses qui rendent la vie humaine sur Terre possible).

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[1] Source : https://news.un.org/fr/story/2022/02/1115262.

[2] Lorsqu’il n’y a plus de croissance ou que la valeur des actifs se réduit fortement, les dettes des investisseurs finissent par les étrangler devenant supérieures à la valeur des actifs.  Les investisseurs réduisent alors leurs investissements et sont contraints de vendre leurs actifs financiers pour rembourser leurs dettes. La revente des actifs provoque alors un retournement des marchés financiers et une crise financière. Source : Minsky H. (1986). Stabilizing an unstable economy.

[3] Source : Vivien (2018) : https://www.cairn.info/revue-natures-sciences-societes-2018-4-page-381.htm

[4] Partie par million.

[5] Source : Emmanuel Pont (2021) : https://medium.com/enquetes-ecosophiques/%C3%A9conomie-du-climat-o%C3%B9-en-est-on-depuis-nordhaus-d61b8ba317d0

[6] Le deuxième volet du sixième rapport du GIEC identifie 127 risques générés par la dégradation de l’environnement liée à l’activité humaine.

[7] Un point de basculement climatique correspond à un changement irréversible du système climatique. Ces points de basculement sont notamment,  le dépérissement de la forêt amazonienne et boréale, la fonte du pergélisol, la fonte de la calotte glacière du Groenland, la perte de glace dans l’arctique, le dérèglement de la mousson indienne… 

[8] Les critères Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance (ESG) permettent d’évaluer les comportements des entreprises ou des différents secteurs en matière d’écologie, de droit du travail et de gouvernance.

[9] Source : https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/10/21/le-mirage-de-la-finance-verte_6099347_3234.html#xtor=AL-32280270-[default]-[android

[10] Source : https://www.alternatives-economiques.fr/franck-aggeri/carbone-mythe-prix-unique/00078751

[11] Intervention de Marc Baudry au aux printemps de l’économie, Octobre 2021.

[12] Source : https://christiandeperthuis.fr/2021/11/09/cop-26-les-trois-lecons-de-la-hausse-des-prix-de-lenergie/

[13] Intervention de Sébastien Jean aux printemps de l’économie, Octobre 2021.

[14] Intervention d’Anne-Laure Delatte aux printemps de l’économie, Octobre 2021.

[15] World Energy Outlook 2021.

[16] Les communs sont des ressources partageables (forets, points d’eau, Wikipédia..), issues de la nature ou de la société que les gens choisissent d’utiliser et de gérer par l’auto-organisation, au lieu de se fier à l’État ou au marché pour cela.

[17] Le coefficient de Gini est un des indices couramment utilisés pour mesurer l’inégalité des revenus dans un pays. Il varie de 0 (égalité parfaite des revenus) à 1 (inégalité maximale).

[18] La concentration du dioxyde de carbone dépasse à présent de loin la limite de 350 parties par million (ppm) : elle dépasse 400 ppm et elle continue à augmenter ce qui nous pousse vers un climat plus sec et plus hostile, accompagné d’une hausse du niveau des océans qui menace l’avenir des îles et des villes côtières du monde entier. Seul 62% des terres qui pourraient être boisées sont encore couvertes de forêt, et cette même cette superficie continue de diminuer. La perte de la biodiversité est d’une ampleur plus grave encore.

[19] Intervention d’Alexandre Rambaud à la web-conférence « Covid-19 : quelles mutations économiques et sociales ?».

[20] Source : https://www.pauljorion.com/blog/2021/07/02/dune-economie-capitaliste-a-une-economie-humaniste-par-paul-jorion-vincent-burnand-galpin/

[21] L’économie circulaire est un système qui vise à éliminer le gaspillage et l’utilisation linéaire des ressources. Les systèmes circulaires consistent à réutiliser, réparer, partager, remettre à neuf, refabriquer et recycler pour créer un système en boucle fermée, en minimisant l’utilisation de matières premières, la création de déchets, la pollution et les émissions de gaz à effet de serre.

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