Sans progrès majeurs et rapides le système s’effondrera

Cet article explique que la transition vers une économie bas carbone respectueuse des limites planétaires nécessite une transformation profonde et difficile du système économique ainsi que des progrès sociétaux importants. Arriver à cet objectif constitue un défi majeur, qui malheureusement, sera très difficile à réaliser rapidement pour l’humanité. Cet article montre qu’éviter une crise financière majeure et un effondrement du système économique et social est en train de devenir de plus en plus difficile en raison de l’inaction actuelle.

Cet article montre aussi clairement que le système économique mis en place sous l’influence de John Meynard Keynes notamment, avant et à la sortie de la seconde guerre mondiale, est nettement supérieur à celui qui a vu le jour ensuite sous l’influence de Milton Friedman. Le retour à un système économique qui s’inspirerait du système keynésien permettrait de résoudre beaucoup de nos problèmes, même si, au-delà de la politique keynésienne un enjeu aujourd’hui consiste à rendre nos économies sobres en énergie.

La première section de l’article explique que la transition énergétique nécessite des investissements importants qu’il convient de déclencher. La deuxième section explique comment il convient de profondément transformer l’économie. La troisième partie de cette étude explique la façon dont le système financier et social va s’effondrer si les investissements et les changements nécessaires ne sont pas réalisés très rapidement. La quatrième partie montre que les investissements dans des énergies renouvelables et bas carbone sont beaucoup plus rentables que les énergies fossiles. La cinquième partie explique pourquoi le delta de croissance dont l’humanité bénéficie encore et les retards pris rendent la tâche plus ardue. Forts de ces constats, la sixième partie donne des pistes de politique économique permettant de résoudre les problèmes actuels et de minimiser les dommages.

  • La transition énergétique nécessite des investissements importants qu’il faut déclencher

Plusieurs études récentes estiment le montant des investissements nécessaires à la transition vers une économie décarbonée. I4CE (2025) estime, dans une étude récente, que l’UE accuse un déficit d’investissements climat de 344 Mds € annuels. Les investissements climat totaux nécessaires à l’atteinte des objectifs de l’Union européenne en matière de lutte contre le réchauffement climatique à l’horizon 2030 sont estimés à 842 milliards d’euros annuels soit 6% du PIB de l’UE.

Selon Vaclav Smil (2024), personne ne peut offrir une estimation fiable du coût éventuel d’une transition énergétique mondiale d’ici à 2050, bien qu’un total récent (et presque certainement très conservateur) suggéré par le Global Institute de McKinsey montre clairement que comparer cet effort à d’anciens projets dédiés financés par le gouvernement est une autre grave erreur de catégorie. Leur estimation de 275 000 milliards de dollars entre 2021 et 2050 correspond à 9 200 milliards de dollars par an. Par rapport au PIB mondial de 101 000 milliards de dollars en 2022, cela implique une dépense annuelle de l’ordre de 10 % du produit économique mondial total pendant trois décennies, plutôt que de 0,2 ou 0,3 % pendant quelques années (McKinsey and Company, 2022 ; Banque mondiale, 2023).

En réalité, le fardeau réel serait bien plus lourd pour deux raisons, selon Vaclav Smil. Premièrement, on ne peut s’attendre à ce que les pays à faible revenu puissent supporter un tel détournement de leurs ressources limitées et, par conséquent, cette entreprise mondiale ne peut réussir que si les pays à revenu élevé dépensent chaque année des sommes équivalant à 15 à 20 % de leur PIB. Plus important encore, cet ultime projet de transformation mondiale serait confronté à d’énormes dépassements de coûts. Comme le montre l’étude la plus complète au monde sur les dépassements de coûts (plus de 16 000 projets dans 16 pays et dans 20 catégories, des aéroports aux centrales nucléaires), 91,5 % des projets d’une valeur supérieure à 1 milliard de dollars ont dépassé l’estimation initiale, le dépassement moyen étant de 62 % (Flyvbjerg et Gardner, 2023). L’application d’une correction de 60 % porterait l’estimation de McKinsey du coût de la décarbonisation mondiale à 440 000 milliards de dollars, soit près de 15 000 milliards de dollars par an pendant trois décennies, ce qui obligerait les économies riches à consacrer 20 à 25 % de leur PIB annuel à la transition.

Vaclav Smil souligne que les États-Unis (et la Russie) n’ont dépensé qu’une seule fois dans l’histoire une part plus importante de leur produit économique annuel, et ils l’ont fait pendant moins de cinq ans lorsqu’ils ont dû gagner la Seconde Guerre mondiale. Cet auteur se demande ainsi s’il existe aujourd’hui un pays qui envisage sérieusement de prendre des engagements similaires, mais qui durent maintenant des décennies ? Pour cela les États-Unis ont eu recours à un déficit public très important. Au cours de la seconde guerre mondiale le déficit public des États-Unis a atteint presque 30% du PIB[1].

  • Une transformation profonde de l’économie est nécessaire

Faire rentrer le système économique dans les limites planétaires nécessite à la fois d’investir et de rendre l’économie sobre en énergie. Certains secteurs sont amenés à se développer d’autres à diminuer fortement. Il va falloir investir massivement dans les secteurs de la transition énergétique :

  • Énergies renouvelables (solaire, éolien, hydraulique, biomasse, hydrogène vert) ;
  • Efficacité et rénovation énergétique des bâtiments (isolation, pompes à chaleur, matériaux biosourcés…) ;
  • Industrie décarbonée (électrification des procédés, capture et stockage du carbone…) ;
  • Économie circulaire (réemploi, recyclage, reconditionnement etc.) ;
  • Mobilité bas carbone (transports ferroviaires, transports en communs, transports publics, vélo, véhicules électriques, batteries durables ;
  • Agriculture durable (agroécologie, bioénergie, valorisation des déchets organiques…) ;
  • Technologies vertes (smart grids, intelligence artificielle pour l’optimisation énergétique…) ;
  • Formation et innovation (compétences vertes, recherche en climat et matériaux alternatifs…) ;
  • Finance durable…

Au cours de cette période nous allons devoir désinvestir de façon massive dans de nombreux secteurs :

  • Énergies fossiles (extraction et raffinage de pétrole, gaz et charbon, centrales à charbon, réseaux énergétiques inefficaces) ;
  • Transports très carbonés (aviation, véhicules thermiques lourds…) ;
  • Industries polluantes non engagées dans la transition (ciment, acier, chimie sans plan de décarbonation) ;
  • Produits à forte empreinte carbone (fast fashion, électronique jetable, alimentation ultra-transformée) ;

Décarboner l’économie ne sera pas une tâche facile. Il convient de développer une économie de service qui soit économe en flux physiques tout en réindustrialisant une partie de la production au plus proche des lieux de consommation. Il faudra faire mieux avec (beaucoup) moins. Les voyages en avions devront être fortement réduits au profit du train et des bateaux à voile notamment.

L’agriculture responsable d’environ un quart des émissions mondiales de gaz à effet de serre selon le GIEC va devoir être considérablement transformée. La production de viande bovine par exemple va devoir continuer de baisser. Vaclav Smil (2024) souligne que l’agriculture moderne dépend massivement des énergies fossiles, pour ce qui concerne la production d’engrais azotés (via le procédé Haber-Bosch), les machines agricoles, le transport et la transformation des aliments. Cet auteur estime que cette dépendance est difficilement contournable à court terme sans compromettre les rendements. Vaclav Smil se montre sceptique envers les promesses de décarbonation rapide de l’agriculture et privilégie plutôt l’amélioration de l’efficacité énergétique, la réduction du gaspillage alimentaire et des changements graduels dans les pratiques. Afin de décarboner les pratiques agricoles, il faudra privilégier la polyculture, l’agroforesterie et les cultures associées pour renforcer la biodiversité et limiter les intrants chimiques. Une rotation des cultures et semis direct est nécessaire afin d’améliore la fertilité des sols et favorise le stockage du carbone. Il faudra réduire les engrais azotés afin de limiter les émissions de protoxyde d’azote.

Il convient de développer une gestion durable de l’élevage et une alimentation de précision permettant de réduire les émissions de méthane entérique des ruminants. La valorisation des déjections permettra de produire du biogaz et d’améliorer la fertilisation organique. Des capteurs connectés et drones permettront d’optimiser l’irrigation, la fertilisation et le suivi des cultures. Le biochar et activateurs de sol favoriseront la séquestration du carbone dans les sols. Il convient de développer la motorisation électrique ou hydrogène afin de remplacer les carburants fossiles dans les machines agricoles. Il faudra également former les agriculteurs aux outils numériques, à l’agronomie bas carbone et à la gestion des ressources.

Si le commerce international devrait diminuer (ce qui aura un impact négatif sur le PIB mondial) pour laisser la place au développement de l’économie locale et circulaire, celui-ci continuera néanmoins étant donné que les plus grandes réserves de terres rares nécessaires à la transition énergétique se trouvent principalement en Chine, au Brésil au Vietnam, en Inde, en Australie, en Russie et aux États-Unis.

Livrés à eux même les acteurs privés ont des incitations trop faibles à effectuer ces changements massifs. C’est pourquoi l’Etat doit donc jouer un rôle important dans la transition vers une économie bas carbone comme nous le verrons ci-après.

  • Si ces investissements et ces changements ne sont pas réalisés rapidement le système va s’écrouler

Il n’est pas évident d’estimer exactement l’étendue des dégâts générés lors de prochaines années par le réchauffement climatique et la dégradation de l’environnement par l’homme. Si plusieurs études réalisées par des économistes ont nettement sous-estimé les dégâts, des études récentes sur le sujet suggèrent que les dégâts seront catastrophiques et aggravés par l’inaction et l’incompétence actuelle des gouvernements (élus ou non par des électeurs mal informés).

Selon une étude menée par Gaya Herrington, lorsqu’elle était responsable de la durabilité et de l’analyse des systèmes dynamiques au sein du cabinet comptable KPMG, et publiée en 2021 dans le Yale Journal of Industrial Ecology, les résultats des auteurs du livre « The limits to growth » vivement critiqués à l’époque, s’avèrent en fait très proches de la réalité. Pour obtenir ces résultats, Gaya Herrington et son équipe ont comparé les projections de 1972 avec les données actuelles réelles et tangibles du développement économique et de l’extraction des ressources. Ils ont pris en compte un ensemble de dix variables clés : la population, les taux de fertilité, les taux de mortalité, la production industrielle par tête (mesurée par la formation brute de capital fixe par tête), la production alimentaire, les services par tête, les ressources non renouvelables, la pollution persistante, le bien-être humain (mesuré par l’indice de développement humain) et l’empreinte écologique.

Gaya Herrington et son équipe estiment que les scénarios prospectifs les plus probables sont ceux appelés « BAU2 » (business-as-usual) et « CT » (comprehensive technology). Les scénarios BAU2 et CT conduisent à un arrêt de la croissance aux alentours de 2040. Les deux scénarios indiquent donc que le maintien du statu quo, c’est-à-dire la poursuite d’une croissance économique continue, n’est pas possible. Même associé à un développement et à une adoption technologique sans précédent, le business as usual tel que modélisé conduirait inévitablement à un déclin du capital industriel, de la production agricole et des niveaux de bien-être au cours de ce siècle.

Dans le scénario BAU2 du modèle de Gaya Herrington, la production industrielle baisse de 85 % entre 2040 et 2100 et la population mondiale s’écroule elle aussi. Dans le scénario CT la production industrielle baisse de 40 % entre 2040 et 2100 et la population mondiale diminue légèrement.

Les dommages générés par la hausse des températures et la dégradation de l’environnement (perte de la biodiversité, épuisement des ressources naturelles, incendies, montée des eaux…) risquent de détruire la valeur de certains actifs jusqu’à atteindre un moment Minsky[2]. Des entreprises vont voir la valeur de leurs actifs exposés au risque climatique fortement diminuer voire devenir nulle ce qui a le potentiel d’entrainer des faillites en cascades. Plus la hausse des investissements en faveur du climat et la transformation vers une économie plus sobre en énergie seront lentes, plus il y a de chance qu’une crise financière majeure se déclenche au cours des prochaines années. Ce risque est par ailleurs renforcé par la hausse des dettes publiques et privées qui atteint actuellement des records.

Dans le cadre d’une étude publiée en 2022 dans la revue scientifique PNAS, plusieurs auteurs (Luke Kemp, Chi Xu, Joanna Depledge, Kristie L. Ebi, Goodwin Gibbins, Timothy A. Kohler, Johan Rockström, Marten Scheffer, Hans Joachim Schellnhuber, Will Steffen, & Timothy M. Lenton) rattachés notamment à l’université de Cambridge et au MIT, estiment que le changement climatique peut aller jusqu’à générer l’effondrement de la société voire même l’extinction de l’humanité et que la plupart des études n’examinent pas ces sujets de façon sérieuse.

Ces auteurs considèrent que les crises mondiales ont tendance à se produire par le biais de telles « défaillances synchrones » qui se renforcent et se propagent à travers les pays et les systèmes, comme ce fut le cas dans le cas de la crise financière de 2007-2008. Il est plausible qu’un changement soudain de climat puisse déclencher des défaillances systémiques qui déstabilisent les sociétés du monde entier. Les sociétés humaines présentent des vulnérabilités aux cascades de risques déclenchées par le changement climatique, comme les conflits (y compris nucléaires), l’instabilité politique et les risques financiers systémiques. Les impacts en cascade et les conséquences extrêmes de la forte hausse des températures sont sous-examinés dans la littérature. Selon ces auteurs, il existe peu d’estimations quantitatives des impacts globaux d’un réchauffement de 3 °C ou plus. Ces auteurs constatent que le GIEC tend à concentrer ses recherches sur les impacts générés par une augmentation de la température de 2 °C ou moins.

L’économie mondiale pourrait subir une perte de 50 % du PIB entre 2070 et 2090 en raison des chocs catastrophiques générés par le changement climatique, à moins que les dirigeants politiques ne prennent immédiatement des mesures pour décarboniser et restaurer la nature, selon une étude de l’Institut et de la Faculté des actuaires (2025). La forte mise en garde des experts en gestion des risques de l’Institut et de la Faculté des actuaires et des scientifiques de l’Université d’Exeter, augmente considérablement l’estimation du risque pour le bien-être économique mondial des impacts des changements climatiques tels que les incendies, inondations, sécheresses, hausse des températures et dégradation de la nature.

Avec un réchauffement de 3 °C ou plus d’ici 2050, plusieurs points de basculement climatique seraient déclenchés par une cascade de basculement. La perte de PIB serait d’au moins 50% et il y aurait au moins 4 milliards de morts. Avec un réchauffement climatique de 2 °C ou plus d’ici 2050, un grand nombre de points de basculement climatique serait déclenchés par une cascade partielle. La perte de PIB serait d’au moins 25% et il y aurait au moins 2 milliards de morts. Avec un réchauffement climatique limité à 2 °C d’ici 2050, plusieurs points de basculement climatiques seraient déclenchés. La perte de PIB serait d’au moins 10 % (pertes annuelles de 10 billions de dollars) et il y aurait au moins 800 millions de morts.

Une autre étude récente d’Adrien Bilal et Diego R. Kanzig (2024) évalue les dommages générés par une hausse de température de 3°C par rapport à la période préindustrielle à 46% du PIB.

D’après une étude de la BCE (2025), le réchauffement climatique pourrait déjà réduire de 5 % le PIB de la zone euro au cours des cinq prochaines années. Au cours des deux premières décennies de ce siècle, le changement climatique et la pollution de l’air sont estimés avoir causé 5 à 6 millions de décès supplémentaires chaque année (Fuller et al., 2022).

En février, Günther Thallinger, membre du conseil d’administration de l’assurance Allianz, a averti que les températures mondiales approchaient rapidement des niveaux où les assureurs ne seraient plus en mesure d’opérer, créant « un risque systémique qui menace les fondements mêmes du secteur financier ». Günther Thallinger estime que la disparition du secteur de l’assurance entrainera celle d’autres services financiers. La valeur économique de régions entières, côtières, arides et sujettes aux incendies, s’effondrera ce qui entrainera une réaction des marchés qui refixeront les prix, rapidement et brutalement.

Un article récent du Financial Times met en exergue les raisons pour lesquelles le réchauffement climatique peut et risque de déclencher une crise financière en engendrant des mécanismes financiers similaires à ceux qui se sont produits pendant la crise de surprimes.

Il n’existe pas de scénario unique permettant de savoir exactement comment les coûts d’assurance des biens pourraient conduire à un bouleversement financier généré par le changement climatique. Un scénario a émergé des discussions qu’a eues la chroniqueuse au Financial Times, Pilita Clark, avec plus de 20 investisseurs, analystes financiers, experts en réglementation, dirigeants d’assurance, scientifiques et chercheurs.

Cela commence par le retrait d’un grand nombre d’assureurs des États américains, et pas seulement dans les États sujets aux catastrophes comme la Californie. Dans l’ensemble des États-Unis, les propriétaires de maisons vont font face à des primes d’assurance qui vont monter en flèche ou à l’incapacité de renouveler leur couverture alors que les assureurs seront confrontés à une série d’incendies, de tempêtes et d’ouragans.

Les gouvernements à court d’argent essaieront de combler les lacunes des régimes d’assurance en dernier recours. Mais ces plans coûtent généralement plus cher et couvrent moins, créant une nouvelle réalité effrayante pour des milliers de propriétaires. La valeur de leur maison familiale, qui avait augmenté année après année, commencera à diminuer.

La contagion se propagera car il est nécessaire d’avoir une assurance pour obtenir un prêt hypothécaire, alors que la couverture immobilière s’estompera, il en va de même pour la présence des banques. État après État, il deviendra impossible de trouver une succursale bancaire. Certains prêteurs auront complètement quitté le secteur hypothécaire. Quelques-uns commencent à signaler de grosses pertes. Les États-Unis ne sont pas seuls. Les bouleversements climatiques s’intensifieront à l’étranger, déstabilisant les assureurs, les banques et les marchés immobiliers du sud de l’Australie au nord de l’Italie. Dans toutes les villes, les gens se retrouveront à vivre dans des maisons d’une valeur inférieure au prix qu’ils avaient payé pour les acheter. Chaque paiement hypothécaire mensuel donnera l’impression de jeter l’argent par les fenêtres.

Les défauts de paiement hypothécaires commenceront à augmenter, ainsi que les saisies et les défaillances de cartes de crédit. Mais cette fois, ce sera différent. Contrairement à d’autres catastrophes financières, la cause sous-jacente de celle-ci n’est pas financière, elle est physique, il n’est ainsi pas possible de savoir si cela se finira un jour.

Calcaterra et al. (2025) examinent les circonstances dans lesquelles le réchauffement climatique peut déstabiliser la dette souveraine. Ces auteurs regardent si les investissements d’adaptation ou la consolidation fiscale peuvent aider à éviter des crises de la dette potentielles générées par le réchauffement climatique. Le financement public de l’adaptation au réchauffement climatique peut avoir un impact positif sur la soutenabilité de la dette, justifiant son coût si les dommages et le réchauffement climatique sont modérés. Si les dommages et le réchauffement climatique sont importants, la dette publique s’envole et devient insoutenable dans l’ensemble des pays étudiés par ces auteurs (Australie, Inde, Tanzanie, Brésil et Italie) à l’exception de la Finlande. Leurs résultats corroborent l’adage selon lequel il ne peut y avoir de viabilité des finances publiques sans durabilité environnementale.

  • Les investissements dans des énergies renouvelables et bas carbone sont beaucoup plus rentables que les énergies fossiles

Certaines études montrent qu’une part des investissements nécessaires à la transition énergétique ne seraient pas rentables financièrement à court terme. En ce qui concerne la France, une étude du SGPE (2024) montre que, sur 180 Mt CO2 à abattre d’ici 2030, seules 100 Mt correspondent à des actions économiquement rentables. Ces études montrent, toutefois, que c’est le cas dans le système comptable actuel qui ne mesure pas les énormes dommages occasionnés par le réchauffement climatique.

Si les investissements pour la transition énergétique représentent effectivement au moins 20% du PIB des pays avancés, comme le soutient Vaclav Smil (2024), ils sont environ de la même ampleur (ou légèrement supérieurs) que les investissements que nous réalisons actuellement dans les énergiques fossiles. L’investissement représente environ 20 à 25 % du PIB[3] des pays avancés et actuellement alors que les énergies fossiles représentent un peu plus de 80% du mix énergétique mondiale et environ 60% dans les économies avancées. Si les émissions de gaz à effet locales sont en baisse dans les pays avancés, les émissions importées ont augmenté ces dernières années selon plusieurs études. En définitive, les investissements que les pays avancés réalisent dans des actifs carbonés ne sont pas si éloignés des investissements qu’il faudrait réaliser, selon les estimations de Vaclav Smil, pour aboutir à une économie neutre en carbone.

Même si la part de l’investissement dans le PIB doit légèrement augmenter et celle de la consommation doit légèrement reculer ces investissements seront en réalité très fortement rentables par rapport aux investissements que nous réalisons actuellement dans des actifs carbonés. Le scénario contrefactuel à prendre en considération est le scénario idéal (correspondant au scénario SW du modèle de Meadows mis à jour par Gaya Herington ou décrit dans l’article de Stern et Stiglitz (2023)) dans lequel l’ensemble des pays investiraient massivement et le plus rapidement possible dans des énergies renouvelables, permettrait de maintenir le PIB mondial a un niveau légèrement supérieur à celui d’aujourd’hui vers 2040 – 2050. Ce scénario doit être comparé à un autre scénario dans lequel les investissements dans des technologies bas-carbone seraient trop faibles qui conduirait à un PIB pouvant être divisé par 2, 3 ou 4 à la fin du siècle voire égal à zéro dans le cas d’une extinction totale. On voit donc clairement que la rentabilité des investissements dans des infrastructures énergétiques décarbonées est nettement supérieure à celle que nous réalisons actuellement dans des énergies fossiles. Le retour sur investissements actualisé des investissements bas carbone est en réalité positif alors que celui des investissements dans des technologies fossiles est en réalité très négatif. Les investissements réalisés dans les technologies fossiles engendreront un coût massif et des pertes financières et humaines énormes dans les prochaines alors que les investissements dans des infrastructures énergétiques décarbonées permettront de maintenir le PIB mondial à un plancher vers le milieu du 21ième siècle et minimiseront les pertes en vies humaines.

  • Le delta de croissance dont dispose l’humanité limité et les retards pris accroissent les difficultés

On ne sait pas exactement quel est le delta de la croissance dont l’humanité dispose avant que le système ne se stabilise et/ou s’effondre. Il convient de concevoir la transition vers un système économique de post-croissance en plusieurs phases. Dans la première phase les pouvoirs publics mettent en œuvre une politique d’investissements. Pendant cette période la croissance ne s’arrête pas si bien qu’il est encore possible d’utiliser le déficit public pour investir. Les pouvoirs publics peuvent orienter l’économie et impulser une légère baisse de la consommation (en pourcentage du PIB) et une hausse des investissements nécessaires (dont la part dans le PIB augmente). Ensuite, lorsque les investissements nécessaires auront été réalisés les investissements publics baissent progressivement pour aboutir à une croissance du PIB qui peut alors devenir proche de zéro.

Si la croissance venait à s’arrêter, il faudrait que la quasi-totalité de l’investissement soit orienté en direction de la transition énergétique (ce qui est extrêmement difficile) ou que l’investissement des pays avancés augmente en comparaison de la consommation. Pour que la décarbonation de l’économie soit la plus efficace possible, il va donc falloir passer à une économie qui investit davantage en proportion. Par ailleurs, lorsque les investissements ralentiront un risque important de récession existe car la consommation aura baissé en proportion des investissements qui seront eux amené à être moindre.

Si la croissance se poursuit pendant la phase d’investissement et s’arrête après, conduisant à une économie stationnaire lorsque les investissements diminuent, comme c’est le cas dans le scénario SW (pour sustainable world) du modèle Meadows mis à jour par Gaya Herrington ou dans les préconisations de Stern et Stiglitz (2023) une récession pourrait être théoriquement évitable. Néanmoins, les retards majeurs que nous sommes en train de prendre rendent de plus en plus difficile la possibilité d’éviter une crise financière et une récession, générées par le réchauffement climatique et la dégradation de l’environnement.

Si les investissements massifs ne sont pas déclenchés pendant la période où il reste à l’humanité encore un peu de croissance une grosse crise financière sera inévitable. En effet, lorsque ces investissements vont baisser la croissance va croissance va ralentir. Plusieurs études montrent qu’il est théoriquement possible de stabiliser l’économie dans un système sans croissance même si cela soulève plusieurs défis. Si la croissance s’arrête, il devient très difficile d’utiliser le déficit public comme levier d’investissement c’est pourquoi il est primordial de déclencher ces investissements dès à présent avant que la croissance ne s’arrête ou que le système financier ne s’écroule.

Etant donné l’ampleur des investissements nécessaires, le passage à une économie d’investissement respectueuse du climat nécessite la mise en place d’une régulation avec un système de comptabilité extra-financière qui permette de montrer que les entreprises respectent les limites planétaires.

Le PIB mondial actuel n’a jamais été aussi élevé et il va croître encore pendant quelques années, ce qui donne quelques mages de manouvre à l’humanité, avant que celui-ci ne de stabilise ou s’effondre.

L’arrêt de la croissance soulève des défis majeurs en termes de finances publiques notamment. Il est possible d’avoir des finances publiques qui restent stables et une dette publique qui ne s’envole pas dans une situation de croissance du PIB égale à zéro, mais il faut que la somme du déficit public et du taux d’intérêt soit inférieure au taux d’inflation (il faut donc que l’inflation soit un peu élevée soit que le déficit public soit très faible ou nul et que les taux d’intérêt soient très faibles). Si les dettes ont connu des niveaux élevés par le passé (pendant la seconde guerre mondiale) les investissements pour la transition environnementale risquent d’engendrer une hausse des dettes et lorsque ceux-ci auront été réalisé les Etats n’auront plus la possibilité d’utiliser la croissance pour faire diminuer les dettes publiques.

Andrew Jackson et Tim Jackson (2025) explorent la transition d’une économie en croissance vers une économie post-croissance. Ces auteurs soutiennent que ce changement pourrait entraîner un choix difficile entre la contraction fiscale et l’augmentation de la dette publique par rapport au PIB. Ils examinent la relation entre le taux de croissance, les taux d’intérêt de la dette et le déficit public, et concluent que la stabilisation de la dette sera difficile, mais qu’une approche plus flexible de la politique monétaire et budgétaire offrira aux décideurs de meilleures opportunités pour atteindre leurs objectifs économiques, sociaux et environnementaux.

Un monde sans carbone fossile d’ici 2050 est hautement improbable (Smil, 2024). Étant donné les retards pris, une crise financière majeure semble difficilement évitable et le passage à une économie de post-croissance risque d’être davantage subi et douloureux, qu’organisé. Les pays, zones géographiques, entreprises qui y résisteront le mieux seront ceux qui s’y seront le mieux préparés même si malheureusement certaines zones géographiques seront plus touchées que d’autres.

  • Dans ce contexte quelle politique économique faut-il mettre en œuvre ?

Pour rendre le système soutenable il faut non seulement investir massivement dans la transition tout en faisant baisser les inégalités au sein et entre les différents pays. Les leviers fiscaux et monétaires peuvent être utilisés pour cela mais ils doivent aussi être associés à des politiques de réglementation.

  1. Une réforme fiscale internationale est nécessaire

La crise climatique qui est un problème mondial ne se résoudra pas sans une réforme du système fiscal et monétaire international. Selon Stiglitz et Stern (2023), il existe de multiples façons de répondre à une pénurie d’épargne, y compris à travers des hausses d’impôts. Si les taux d’intérêt réels devaient augmenter en raison d’une pénurie d’épargne et que la viabilité budgétaire était menacée, un gouvernement pourrait réagir de plusieurs manières. Une augmentation de l’impôt progressif augmenterait les recettes publiques et réduirait le besoin d’emprunt. Répondre au changement climatique en partie par l’imposition d’une taxe sur le carbone (ou la mise aux enchères de permis d’émission) permettrait de dégager des recettes substantielles, au moins au cours des prochaines décennies. Ces recettes contribueraient grandement à fournir les fonds nécessaires à l’investissement dans le domaine du climat et permettraient de remédier à toute pénurie d’épargne selon ces auteurs.

Il existe également, selon ces auteurs, d’autres taxes susceptibles d’améliorer simultanément les performances économiques ou la justice sociale : d’autres taxes environnementales, diverses formes de taxes financières, des taxes foncières et des droits de succession. Une meilleure administration fiscale peut entraîner une forte augmentation des recettes fiscales dans l’ensemble des pays. Il en va de même pour les accords internationaux visant à fermer les voies permettant aux riches particuliers et entreprises d’éviter les impôts et de s’y soustraire, y compris les paradis fiscaux et le transfert de bénéfices. Les pouvoirs publics peuvent augmenter les recettes de diverses manières et de façon à améliorer l’efficacité, à réduire les émissions et/ou à réduire les inégalités. La réponse au changement climatique ne nécessite pas d’austérité et de baisse des dépenses publiques. Un pronostic pessimiste sur les finances publiques futures ne doit être pas une excuse permettant de justifier l’inaction climatique.

Au cours et à la sortie de la seconde guerre mondiale, plusieurs pays occidentaux influencés par les idées de John Maynard Keynes ont mis en place un système fiscal beaucoup plus redistributif dans lequel les taux fiscalité sur les très hauts salaires, sur les revenus du capital, les bénéfices et les plus-values étaient plus élevés que les niveaux actuels. Ce système a permis de faire diminuer les inégalités et à redonner confiance aux gens. Le retour à un système qui s’inspirerait et ressemblerait à ce qui a été fait est défendu par plusieurs économistes comme notamment le prix Nobel Paul Krugman.

Les Objectifs de développement durable (ODD) et l’Accord de Paris sur le climat qui avaient été universellement adoptés en 2015, prévoyaient l’éradication de l’extrême pauvreté et de la faim d’ici 2030, ainsi qu’une réduction des inégalités, un renforcement de l’aide au développement, et une trajectoire d’émissions compatible avec un maintien du réchauffement climatique sous les 2°C selon Adrien Fabre (2025). Cette vision consensuelle aurait dû être la pierre angulaire des choix politiques nationaux ; la solidarité internationale aurait ouvert la voie à une prospérité partagée selon cet auteur. Ces objectifs ne seront pas atteints. Le nationalisme a prévalu, et l’abandon d’un projet émancipateur commun à tous les pays a perpétué un cycle de souffrances injustifiées, au premier rang desquels la malnutrition et la maladie. La responsabilité de l’échec des ODD provient des pays avancés, qui ont rejeté les demandes de solidarité émanant des pays moins avancés. Ce dédain des pays avancé nourrit un ressentiment dans les pays du Sud.

Pourtant, une voie pacificatrice est possible d’après Adrien Fabre, qui mettrait fin au changement climatique et à l’extrême pauvreté, tout en réduisant les inégalités et en épargnant les classes moyennes. Au sortir de la seconde guerre mondiale, les États-Unis ont fait des dons à hauteur de 1% de leur PIB à travers le plan Marshall. En trois ans, le PIB de l’Europe de l’Ouest a bondi de 32%, permettant de reconstruire le vieux continent, tout en écoulant la production américaine. Un stimulus pour les ODD offrirait la même relance économique gagnant-gagnant. Ainsi, l’ONU pousse pour un investissement international dans le développement soutenable : services publics, infrastructures bas-carbone, et protection sociale. À rebours de ce dessein, jamais l’aide au développement n’a été autant baissée. Plutôt que d’emboîter le pas de Trump, qui réduit l’aide américaine à portion congrue, les pays européens seraient bien avisés d’augmenter leurs transferts vers les pays du Sud et de compenser les coupes budgétaires américaines. Cela peut être fait sans alimenter la corruption, sans réduire les autres postes de dépenses ni augmenter le déficit, et dans le respect des engagements climatiques.

Un ensemble de pays formant une Union soutenable devrait, pour cela, s’accorder sur plusieurs éléments, notamment une cible de recettes issues de nouveaux prélèvements sur les plus riches et sur la pollution, disons de 2% de leur PIB ; sur une contribution commune pour le développement soutenable, de 1% du PIB ; et sur un budget carbone mondial, de 1 000 GtCO2 d’ici l’atteinte de zéro émission nette. Les pays ayant un revenu par habitant supérieur à la moyenne mondiale contribueraient financièrement aux pays aux revenus plus faibles, en puisant dans une partie des recettes nouvelles.

Adrien Fabre et ses co-auteurs (2024), estiment les recettes potentielles de nouvelles taxes au niveau mondial. Celles-ci s’élèveraient à plus de 3% du PIB mondial, dont la majorité proviendrait d’un impôt sur la fortune. Ces auteurs proposent de taxer la fortune au taux de 2% au-delà de 5 millions de dollars, et 5% au-delà de 100 millions (soit moins que le rendement du capital pour les grandes fortunes). Ainsi, un couple possédant un patrimoine de 10 millions de dollars (soit 5 millions chacun) ne serait pas taxé, tandis qu’une personne détenant un patrimoine de 150 millions de dollars serait taxée à hauteur de 3% par an.

Leur proposition reste modérée, et des sommes deux ou trois fois plus importantes pourraient être collectées en adoptant un barème d’imposition plus progressif. Les recettes restantes proviendraient pour moitié d’une tarification carbone (avec un taux plus élevé sur les secteurs maritimes et aériens, actuellement exemptés de taxes) et pour moitié de taxes sur les transactions financières et sur les profits. Il serait également possible d’y ajouter une taxe sur les superprofits des compagnies fossiles et une taxe sur la publicité digitale (Acemoglu, D., & Johnson, S. (2024). The Urgent Need to Tax Digital Advertising). L’essentiel de ces taxes seraient in fine payées par le 1% des humains les plus riches. Avec une participation universelle, ces mécanismes entraîneraient des transferts Nord-Sud de 766 milliards de dollars par an selon Adrien Fabre et ses co-auteurs (2024).

Les pays de l’Union s’engageraient à appliquer un barème minimal de prélèvements concernant les émissions de CO2, la fortune individuelle, l’héritage et les transactions financières, ainsi qu’à constituer un registre mondial d’actifs permettant de répertorier les biens détenus par chacun. Grâce au mécanisme extraterritorial de « collecteur d’impôt en dernier ressort » proposé par l’économiste Gabriel Zucman (Zucman, G. (2024). A blueprint for a coordinated minimum effective taxation standard for ultra-high-net-worth individuals), l’Union collecterait l’impôt « manquant » dû à la non-application par des pays hors de l’Union du barème minimal sur les profits des multinationales et sur la fortune individuelle. En l’espèce, l’Union exigerait le paiement de l’impôt « manquant », au prorata des activités de l’entreprise (ou des entreprises contrôlées par l’individu fortuné) qui ont lieu dans l’Union, sous peine de mesures de rétorsion à l’encontre de l’entreprise en question. Ces recettes serviraient à accroître les transferts de l’Union à destination des pays du Sud.

Une baisse des inégalités générée par la mise en place d’une fiscalité qui permettrait de mieux taxer les hauts revenus permettrait par ailleurs de contenir la dette publique (et donc de mieux l’utiliser), de mieux investir dans la transition bas carbone et ainsi d’éviter l’effondrement du système financier. Les études ne montrent pas toutes de relation positive entre la hausse de la dette publique et celle des inégalités de revenus et de capital. Azzimonti et al. (2014), qui soutiennent que les incitations des gouvernements à emprunter augmentent à la fois à mesure que les marchés financiers deviennent intégrés au niveau international et que les inégalités de revenus augmentent. Les résultats d’une étude réalisée par Ewa Aksman (2017), à partir de données de plusieurs pays européens, indiquent que ni les inégalités de revenus ni celles de capital sont des prédicteurs statistiquement significatifs du ratio dette publique / PIB. Cela provient du fait que les pays dans lesquels le taux de pauvreté est élevé ou ayant des inégalités des revenus importantes dépensent de facto moins en prestations sociales. Weijie Luo (2020) montre, à partir de données pour les pays de l’OCDE, qu’une augmentation des inégalités de revenus du travail entraîne un niveau d’endettement plus élevé, tandis que les inégalités de revenus du capital sont négativement associées à la dette. Pendant les crises la dette publique augmente et les inégalités ont tendance à baisser. Une analyse en données de panel pour la France et le Royaume-Uni entre 1980 et 2023 montre qu’une hausse de 1% de la part du capital des ménages les plus aisés (les 1% des plus riches) conduit à une hausse de 3,5 % de la dette publique en pourcentage du PIB. Une hausse de 1% de la part des revenus des ménages les plus aisés (les 1% des plus riches) conduit à une hausse de 0,9 % de la dette publique en pourcentage du PIB. Au cours de cette période, les inégalités, de revenus et de capital, se sont accrues et la dette publique s’est creusée. Pour ce qui concerne la France, une étude de l’OFCE (2025) indique que le creusement du déficit de 2,4 points de PIB, depuis 2017 s’explique par une baisse du taux de prélèvements obligatoires (de 2,5 points de PIB), dont 1,6 point se traduisent par une baisse des prélèvements payés par les ménages et 0,9 point pour les entreprises.

Selon plusieurs études, les petites entreprises et les ménages moyens paient plus d’impôts en proportion de leurs revenus que certaines grandes entreprises et certains milliardaires en utilisant l’optimisation fiscale. Au vu de la crise climatique, cela conduit à un cercle vicieux et à un dilemme du prisonnier (Bien que certaines personnes très riches ne semblent pas comprendre cela, ou pensent qu’elles ont encore le temps…).

Des mesures permettant de réduire le recours aux paradis fiscaux et à la concurrence fiscale entre Etats permettraient également de disposer de davantage de marge de manœuvre pour investir dans la transition énergétique et d’éviter l’effondrement du système. Dans cette perspective, Gabriel Zucman propose de créer un registre mondial des actifs financiers (actions, obligations) pour savoir qui possède quoi et d’allouer les bénéfices des entreprises en fonction de l’activité commerciale réelle plutôt que de la domiciliation artificielle dans les paradis fiscaux.

  • Politique monétaire

La dette peut et doit, cependant être utilisée pour investir. Stiglitz et Stern (2023) estiment que la destruction de l’environnement peut être considérée comme un passif transmis aux générations futures, confrontant les générations actuelles à un choix désagréable entre la dette financière et la dette environnementale. La dette environnementale est beaucoup plus dangereuse que la dette financière. La dette financière qui est transmise aux générations futures correspond à des sommes d’argent qu’une partie de la société doit à d’autres parties. Il s’agit donc de sommes d’argent que la société se doit à elle-même. Il est possible de faire disparaître la dette financière en la restructurant. La restructuration de la dette n’entraîne pas directement une diminution du capital physique, humain ou naturel, bien qu’elle puisse réduire la capacité des gouvernements à emprunter dans le futur, ce qui nécessiterait d’augmenter les impôts pour financer les dépenses (la restructuration de la dette limiterait ainsi la possibilité de reporter les impôts dans le futur). Le fardeau de la dette le plus important laissé aux générations futures est celui de la détérioration de l’environnement. Il n’est pas possible de se débarrasser de ce fardeau aussi facilement que de celui de la dette financière. Il n’est possible de débarrasser l’atmosphère de ses gaz à effet de serre qu’en engageant des dépenses massives. Bien entendu, lorsque les pays évaluent leur situation budgétaire, ils doivent se prononcer sur la croissance et les taux d’intérêt futurs. Ils doivent viser la viabilité de la dette – les coûts associés aux restructurations de la dette sont souvent élevés et plongent souvent les pays dans une crise. Cependant, le cadre d’équilibre général qui a dominé la macroéconomie n’est pas le cadre approprié pour réfléchir à la résolution de la crise climatique, précisément parce que les crises reflètent un déséquilibre, des incohérences macroéconomiques et des situations où les plans qui étaient prévus ne sont pas respectés. Il n’est guère judicieux de réduire aujourd’hui les investissements publics dans l’éducation, les infrastructures, la R&D ou l’environnement simplement parce qu’à l’avenir, si les choses tournent mal, la dette pourrait ne pas être soutenable. Actuellement nous avons tendance à trop utiliser la dette pour investir des actifs carbonés et pas assez pour investir dans des technologies bas carbone.

Il est nécessaire, selon Paul Jorion (2016), de mettre en place un nouveau système monétaire international équilibré, inspiré par le modèle de la chambre de compensation multilatérale du bancor proposé par Keynes à Bretton Woods, il y a plus de soixante-dix ans. A cette époque, le plan de Keynes pour une chambre de compensation multilatérale, l’International Clearing Union (ICU), et sa monnaie, le « bancor », visait à créer un système monétaire international stable et équilibré après la seconde guerre mondiale. Keynes proposait l’introduction d’une monnaie de compte internationale, le bancor, qui serait utilisée pour les règlements entre banques centrales. Le bancor aurait une valeur fixe par rapport à l’or (mais non convertible en or par les pays excédentaires, pour éviter l’accumulation excessive d’or par les créanciers) et servirait d’unité de mesure pour les balances commerciales. L’ICU serait une institution supranationale agissant comme une banque centrale des banques centrales. Toutes les transactions commerciales internationales seraient libellées en bancors et réglées via cette chambre de compensation. Les pays en excédent verraient leurs comptes crédités en bancors, et les pays en déficit verraient les leurs débités. Un principe fondamental était la symétrie de l’ajustement des balances des paiements. Contrairement au système de l’étalon-or où la charge de l’ajustement pesait principalement sur les pays déficitaires (qui devaient dévaluer ou déflater), le plan de Keynes prévoyait des mécanismes pour inciter aussi les pays excédentaires à ajuster leurs balances. Les pays accumulant des excédents excessifs en bancors seraient pénalisés par des taux d’intérêt négatifs ou la perte d’une partie de leur surplus, les encourageant ainsi à augmenter leurs importations ou à investir à l’étranger. Cela visait à éviter la thésaurisation des bancors et à maintenir la liquidité du système. Les pays en déficit auraient accès à des lignes de crédit en bancors auprès de l’ICU, leur donnant le temps d’ajuster leur économie sans être contraints à des politiques déflationnistes drastiques ou à des dévaluations compétitives. Le bancor devait avoir un taux de change fixe avec les monnaies nationales, ce qui favoriserait la stabilité et la prévisibilité du commerce international. Des réajustements de parité seraient possibles mais régulés par l’ICU. L’objectif global était de fournir une liquidité internationale suffisante pour et éviter les crises financières causées par les déséquilibres des balances des paiements et le manque de liquidités. Keynes cherchait à prévenir la transmission des crises et les dévaluations compétitives qui avaient marqué l’entre-deux-guerres. Ce plan, bien que visionnaire, ne fut pas retenu lors des accords de Bretton Woods en 1944, au profit du plan de Harry Dexter White, qui instaura le système dollar-or et donna naissance au FMI et à la Banque Mondiale.

  • Fixer des objectifs basés sur des indicateurs qui vont au-delà du PIB

Il convient de piloter l’économie avec des indicateurs alternatifs au PIB. Selon les membres de la commission Stiglitz-Sen-Fitoussi (2008), la poursuite de la croissance du PIB comme objectif principal de nos sociétés est loin d’être un objectif idéal. Le PIB, comme l’ensemble des agrégats de la comptabilité nationale, ne peut rendre compte des évolutions portant sur la répartition des ressources. Le rapport Stiglitz-Sen-Fitoussi souligne notamment que les embouteillages peuvent augmenter le PIB en raison de l’utilisation accrue de l’essence, mais évidemment pas la qualité de vie.

Le PIB ne prend pas en compte le travail non rémunéré, comme le travail domestique ou le bénévolat. Le rapport suggère d’inclure la valeur de ces activités dans les indicateurs de bien-être, car elles sont essentielles à la vie des ménages et de la société. Le PIB est une moyenne et masque les inégalités. Le rapport insiste sur la nécessité de mesurer non seulement le niveau global de richesse, mais aussi la manière dont elle est distribuée entre les différents groupes sociaux. Le bien-être ne se résume pas à des facteurs économiques. Il inclut des aspects non économiques tels que la santé, l’éducation, les liens sociaux, la sécurité, l’environnement, la gouvernance et le temps libre. Le rapport préconise donc de créer un « tableau de bord » d’indicateurs complémentaires. Le rapport Stiglitz-Sen-Fitoussi fait la distinction entre le bien-être actuel et sa capacité à se maintenir dans le temps. Il suggère de mesurer la soutenabilité en évaluant l’évolution des stocks de capital (capital naturel, humain, physique et social) pour s’assurer que les générations futures pourront jouir d’un niveau de vie au moins équivalent.

Kate Raworth (2017) propose quant à elle de concevoir le système économique selon un Donut au sein duquel l’humanité devrait prospérer. En deçà du fondement social du Donut se trouvent les pénuries en matière de bien-être humain, qu’affrontent ceux auxquels manquent les choses essentielles comme la nourriture, l’éducation et le logement. Au-delà du plafond écologique se trouve un excès de pression sur les systèmes sources de vie, par le biais du changement climatique de l’acidification des océans et de la pollution chimique par exemple. Mais entre ces deux ensembles de limites se situe un endroit agréable (qui a clairement la forme d’un Donut), un espace à la fois écologiquement sûr et socialement juste pour l’humanité. L’anneau du Donut, son fondement social, définit les nécessités de la vie dont toute personne ne devrait manquer. Ces douze bases incluent : une alimentation suffisante ; une eau potable et des conditions sanitaires décentes ; l’accès à l’énergie et à un équipement de cuisine propre ; un logement correct ; l’accès à l’éducation et aux soins de santé ; un revenu minimum et un travail digne de ce nom ; l’accès aux réseaux d’information et de soutien local.

Tim Jackson & Peter Victor (2020) utilise un modèle stock-flux inspiré de l’économie postkeynésienne afin de simuler trois scénarios prospectifs relatifs à l’économie canadienne, couvrant la période allant de 2017 à 2067 : un scénario de base dans lequel les émissions de gaz à effet de serre ne diminuent pas, un scénario de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans lequel des mesures sont introduites spécifiquement pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, et un scénario de prospérité durable qui incorpore des mesures supplémentaires pour améliorer la qualité de l’air et de l’eau dans le pays.

Tim Jackson & Peter Victor (2020) modélisent deux indicateurs composites plus complets que le PIB : l’indice de charge environnementale, d’une part, et l’indice de prospérité durable, d’autre part. L’indice de charge environnementale est conçu pour refléter les impacts environnementaux de l’activité économique non pris en considération par le PIB : la décarbonisation du secteur de l’électricité, la décarbonisation des secteurs non électriques, les co-bénéfices provenant de la décarbonisation sur la santé et l’environnement et les bénéfices non liés au carbone provenant d’autres investissements durables. L’indice de prospérité durable correspond à la somme pondérée du PIB par habitant, du coefficient de Gini relatif aux revenus des ménages, du nombre moyen d’heures travaillées dans l’économie, du ratio entre les prêts et les avoirs nets des ménages, du ratio dette publique/PIB, du taux de chômage et de l’indice de charge environnementale. Ces auteurs montrent, en se basant sur des données propres à l’économie du Canada, que l’amélioration de la situation environnementale et sociale à travers ces deux indicateurs est possible même lorsque le taux de croissance du PIB par habitant devient progressivement nul. Dans le scénario de prospérité durable (le scénario optimal selon ces auteurs), la croissance du PIB par habitant ralentit à partir de 2027 et devient nulle en 2050. L’indice de Gini diminue (ce qui signifie que les inégalités diminuent elles aussi) alors qu’il reste stable dans les deux autres scénarios. Le ratio dette publique sur PIB modélisé dans le scénario de prospérité durable augmente sans toutefois exploser (même lorsque la croissance du PIB par habitant devient nulle).

Un pays qui verrait l’indice de Gini et ses émissions de gaz à effet de serre diminuer serait sur la bonne trajectoire. Comme le montrent les travaux de Peter Turshin et comme l’explique très bien Gary Stevenson dans ses vidéos la hausse des inégalités déstabilise politiquement et économiquement les pays. Au-delà de la rentabilité, les politiques publiques doivent s’efforcer de regarder et promouvoir la soutenabilité du système économique et politique.

  • Un meilleur équilibre entre Etat, secteur privé et communs

Lorsque l’économie était keynésienne la part de la propriété publique (les actifs nets de dettes de l’Etat) était plus élevée qu’elle ne l’est aujourd’hui. Les travaux de Thomas Piketty montrent que cette part est passée de d’environ 28% en Allemagne en 1978 à environ 2% en 2020. En France, cette part est passée de 15% en 1978 à – 2% en 2020. Au Royaume-Uni elle est passée de 25% à -9% au cours de cette même période et aux États-Unis, elle est passée de 13% à -7%. Cela conférait à l’Etat des recettes fiscales dont il aurait grand besoin aujourd’hui dans le contexte actuel. Le secteur privé livré à lui-même est incapable de résoudre la crise climatique. A l’inverse les modèles ayant mis en place une étatisation complète des actifs (comme l’URSS ou la Chine maoïste) ont soulevé de nombreuses inefficacités. Les marchés doivent continuer de jouer un rôle important dans l’économie à côté de l’Etat et des communs.

La part de la propriété publique (actifs publics nets de dettes, toutes collectivités publiques et tous actifs confondus : entreprises, immeubles, terres, participations et actifs financiers, etc.) dans la propriété totale (c’est-à-dire la somme de la propriété publique et privée) était d’environ 70% en Chine en 1978, et elle s’est stabilisée autour de 30% depuis le milieu des années 2000. En ayant vendus et libéralisés ses actifs l’Etat s’est privé de recettes fiscales importantes dont il aurait grand besoin aujourd’hui pour investir. Ce mouvement a par ailleurs occasionné d’importants déséquilibres macroéconomiques.

Minsky souligne l’importance des institutions financières et de la politique monétaire. Il critique la déréglementation financière et insiste sur le rôle stabilisateur que peuvent jouer l’État et la banque centrale comme « prêteur en dernier ressort ». Il préconise une régulation financière stricte, des politiques fiscales contra-cycliques et un système de plein emploi garanti par l’État pour stabiliser l’économie. Son analyse a gagné en reconnaissance après la crise de 2008, validant ses prédictions sur les dangers de la financiarisation excessive. Minsky insiste sur le fait que la stabilité financière n’est pas un état naturel mais le résultat d’une intervention délibérée et continue des pouvoirs publics. Il faut « stabiliser une économie instable » par une régulation prudente et des politiques macroéconomiques actives.

Les milieux d’affaires à force de vouloir trop privatiser les marchés, faire reculer le rôle de l’Etat ou croitre trop fortement certains secteurs de l’économie (le secteur pétrolier et gazier ou l’aviation par exemple) courent à leurs propres pertes. Si certains investisseurs ou hommes d’affaires ont très bien compris ceci ce n’est pas le cas de bons nombres d’ente eux qui sont en train de créer les conditions parfaites pour un effondrement du système financier à terme, de la valeur des actifs et du PIB mondial.

C’est lorsque les ménages, les communs, le marché et l’État, qui sont les 4 principaux domaines de l’économie, agissent ensemble qu’ils fonctionnent le mieux d’après Kate Raworth (2017). Si le marché est puissant, lorsqu’il évolue sans contraintes, il dégrade le monde vivant en surexploitant les ressources de la Terre et en la surchargeant de déchets. Sa dynamique inhérente tend à creuser les inégalités sociales et à générer une instabilité économique. Il faut donc l’intégrer judicieusement selon Kate Raworth. Kate Raworth, et d’autres analystes estiment que la finance doit être au service de la société et qu’il est nécessaire de fixer davantage d’objectifs aux entreprises que celui de la simple valorisation de la valeur pour les actionnaires. Les entreprises ont un rôle important à jouer dans la transition vers une économie soutenable. Elles doivent pour cela aller même au-delà de l’impact zéro qui consiste à concevoir des produits, des services, des bâtiments ayant un impact environnemental neutre selon Kate Raworth.

Si Garrett Hardin décrivait les communs comme tragiques ce qui s’accordait parfaitement avec le scénario néolibéral, c’est parce que selon lui le libre accès entraînait inévitablement l’abus et l’épuisement des pâturages, des forêts et des zones de pêche. Sur ce point, il avait très probablement raison. Elinor Ostrom, a toutefois démontré que les communs gérés avec succès n’étaient pas intrinsèquement laissés en libre accès. Au contraire, ces communs à succès sont gouvernés par des communautés clairement définies avec des règles acceptées collectivement et des sanctions punitives pour ceux qui les violaient et sont loin d’être tragiques. Beaucoup de communautés gèrent en fait leurs terres et ses ressources communes mieux que ne le font les marchés, et mieux que des systèmes étatiques comparables selon l’analyse d’Elinor Ostrom. Elinor Ostrom a démontré que la valeur véritablement protectrice n’est pas économique mais sociale-écologique : c’est la mise en évidence des liens sociaux qui sous-tendent les ressources naturelles qui permet de les préserver via l’institutionnalisation de rapports symétriques de confiance, de réciprocité et de justice, ce que recouvre la notion de « bio-solidarité » proposée par Eloi Laurent (2021).

Les économistes ultra-libéraux comme Milton Friedman estiment, contrairement à Keynes et Minsky que le rôle de l’Etat dans l’économie doit être le plus faible possible. La crise des subprimes et celle de la Covid-19 donnent raison à Keynes qui défendait la nécessité pour l’Etat d’intervenir dans l’économie sans se limiter pour cela pas à un Etat gendarme. Il en est de même pour la crise écologique dans laquelle nous sommes.

La réussite extraordinaire des sociétés technologiques comme Apple est parfois présentée comme la preuve du dynamisme du marché. Mariana Mazzucato rappelle néanmoins que le secteur privé bénéficie des investissements publics et que l’investissement public est complémentaire de l’investissement privé. Marina Mazzucato souligne que la recherche fondamentale ayant permis chacune des innovations rendant le smartphone intelligent (GPS, microprocesseur, écran tactile, Internet même) a été financée par le gouvernement des États-Unis. La même logique s’applique aux investissements nécessaires à la transition vers une économie neutre en carbone.

Le rôle de l’Etat est crucial pour accélérer la transition vers un modèle économique soutenable. Comme le souligne Kate Raworth, celui-ci peut, par bien des manières, encourager activement une alternative régénérative, notamment en structurant la fiscalité et les réglementations, en intervenant comme investisseur transformatif et en favorisant le dynamisme des communs.

Selon Julia Steinberger (2024), la crise climatique nous est apportée par des systèmes économiques très inégaux et non démocratiques. L’histoire récente de ces systèmes économiques, dans les Amériques et en Eurasie, est dominée par l’ascendance de l’idéologie néolibérale. L’idéologie néolibérale est antidémocratique à la base. Son objectif est de donner le libre arbitre sur nos sociétés aux entreprises, pas aux citoyens. L’industrie des combustibles fossiles est depuis longtemps un promoteur, ainsi qu’un bénéficiaire, de la prise de contrôle néolibérale de nos sociétés.

L’économiste britannique Gary Stevenson explique très bien que si être riche n’est pas une mauvaise chose en soi, vouloir le devenir à l’extrême déstabilise l’économie et la cohésion politique des Etats qui rendent les riches, riches.

Le krach financier de 1929, au cours duquel des millions de personnes ont perdu leurs économies, n’est que le pire des tourbillons financiers que l’économie ait connus. Vingt-deux ans auparavant, il y avait eu la panique de 1907, qui avait conduit à la création de la Réserve fédérale, mais même celle-ci n’avait pas pu sauver le système bancaire et l’économie ; une aide gouvernementale plus large était nécessaire, ce que le président Franklin Roosevelt a fait avec le New Deal (Stiglitz, 2024). L’économiste John Maynard Keynes ne s’est pas contenté d’expliquer ce qui n’allait pas dans la Grande Dépression, il a également proposé des solutions pour y remédier. Sa recommandation prévoyait un rôle important pour le gouvernement. Les entreprises privées étaient dominantes, mais le gouvernement jouait un rôle vital en garantissant la concurrence, en empêchant l’exploitation et en stabilisant la macroéconomie. Dans le système en vigueur en Europe occidentale et aux États-Unis, les marchés et la production privée de biens et de services restaient au centre, le gouvernement apportant également sa contribution par le biais de l’éducation, de la recherche, des infrastructures, de l’aide aux plus démunis, de l’assurance retraite et de la réglementation des marchés financiers et autres. Ce modèle économique a connu un énorme succès. A cette époque, des personnalités comme Franklin Roosevelt et John Maynard Keynes ont indiqué qu’ils allaient vaincre le fascisme et ils se sont donné les moyens de le faire en mettant en œuvre des politiques adéquates.

  • La nécessaire baisse des inégalités au sein des pays, entre pays avancés et émergents

Il existe d’importantes disparités de revenus entre les pays et au sein des pays. Au sein des pays, les inégalités se sont accrues ces dernières années en raison de la victoire de l’idéologie néolibérale. Réduire les inégalités est nécessaire pour que le système politique, économique soit soutenable et que l’humanité puisse revenir dans les limites planétaires.

Il convient non seulement de faire diminuer les inégalités entre les populations d’un même pays mais également de réduire les écarts de richesses entre les pays avancés et les pays. Aujourd’hui les inégalités sont trop fortes et cela aggrave la situation. Les inégalités accroissent le populisme ce qui aggrave la crise climatique. Plusieurs études montrent que les populations les plus aisées sont responsables de la majorité des émissions de gaz à effet de serre. L’étude de Sarah Schöngart, Zebedee Nicholls, Roman Hoffmann, Setu Pelz & Carl-Friedrich Schleussner (2025) indique que les 10 % les plus riches de la planète ont un impact carbone deux fois plus important que tout le reste de la population réuni. Cette étude montre que ces personnes sont responsables des deux tiers du réchauffement climatique observé depuis 1990 et de l’augmentation des événements tels que les vagues de chaleur et les sécheresses. Ces effets sont particulièrement notables dans les régions tropicales vulnérables telles que l’Amazonie, l’Asie du Sud-Est et l’Afrique australe, des territoires qui, historiquement, ont moins contribué que les autres aux émissions mondiales.

  • De meilleures politiques industrielle et de la concurrence sont nécessaires

D’après ce que les économistes appellent le consensus de Washington, la meilleure façon d’atteindre la croissance demandait des budgets sains, une inflation faible, des marchés dérégulés et le libre-échange (Paul Krugman 2009). Ces principes sont sujets à la controverse. L’analyse économique suggère toutefois que le développement de la concurrence peut avoir des effets à la fois négatifs et positifs sur l’économie. En 2016, trois économistes du FMI (Jonathan Ostry, Prakash Loungani, & Davide Furceri) constataient que certaines politiques néolibérales au lieu de favoriser la croissance, avaient accru les inégalités et compromis ainsi une expansion durable. Plusieurs études montrent par ailleurs que la hausse des inégalités de revenus entraîne des effets dommageables pour l’économie (voir notamment Kumhof & Rancière, 2010).

Selon Joseph Stiglitz (2016), la concurrence entre les juridictions peut être saine, mais elle peut aussi générer une course vers le bas. Le capital se dirige alors vers la juridiction qui l’impose au taux le plus bas, et non là où sa productivité marginale est la plus élevée. Pour être compétitives, les autres juridictions doivent abaisser le taux d’imposition qu’elles appliquent au capital, ce qui réduit les possibilités de redistribution de l’impôt et donc d’investissement dans la transition vers une économie bas-carbone.

Dans un article publié en 2017, Antonin Pottier considérait que la mise en concurrence des producteurs génère constamment de nouvelles externalités, ce qui multiplie les probabilités de franchir une frontière écologique. Par ailleurs, l’avènement de l’homo oeconomicus, motivé par le gain, rend, selon Antonin Pottier, peu probable de consacrer des moyens économiques pour éviter de dépasser les frontières écologiques au détriment de la croissance. L’internalisation des externalités négatives pourrait être considérée par certaines entreprises comme un coût susceptible d’affecter leur compétitivité. Cela renvoie au problème du passager clandestin bien connu en économie : même s’il y a un bénéfice collectif à réduire les externalités négatives, certaines entreprises ou Etats considérés individuellement auraient intérêt à ne pas le faire.

Il est donc nécessaire de repenser la politique de la concurrence et la politique industrielle. La politique de la concurrence est faussée par la concurrence fiscale entre Etats et par les énormes coûts des énergies fossiles sur l’économie non pris en considération dans la comptabilité des entreprises. La politique industrielle doit favoriser la production locale et l’économie circulaire. Les Etats vont devoir augmenter les financements en R&D dans les technologies de pointe ; renforcer les liens entre universités et industries. L’Europe, par exemple, devra développer des technologies où elle conserve un avantage (éolien offshore, réseaux intelligents). Des pays comme la France pourront réduire leur déficit commercial et par ricochet (en raison du phénomène des déficits jumeaux) leur déficit public en investissant dans la transition énergétique et dans l’économie circulaire. L’Union européenne doit œuvrer au développement de « champions européens » dans les secteurs stratégiques (batteries, hydrogène, éolien offshore) et à la création de consortiums industriels transnationaux sur le modèle d’Airbus.

  • Une coopération accrue entre les agents économiques

Au-delà de la concurrence, le développement de la coopération entre les acteurs publics et privés mais aussi entre les différents Etats est nécessaire. Dans cette perspective, Eloi Laurent plaide pour une économie qui délaisse les dimensions superficielles (croissance, compétitivité) pour revenir aux ressorts profonds de l’activité économique : la coopération pour le bien-être humain et la justice sociale. Cet auteur propose de restaurer la puissance coopérative du système fiscal et social.

Une meilleure coopération entre Etats nécessite d’importants progrès géopolitiques et démocratiques auxquels il faut œuvrer. Les énergies fossiles engendreront des guerres et un cercle vicieux alors que les renouvelables permettront de développer la paix.

Dominic Rohner, Michael Lehning, Julia Steinberger, Nicolas Tetreault et Evelina Trutnevyte (2023) mettent en évidence les mécanismes par lesquels les combustibles fossiles menacent la durabilité et la paix, et décrivent ensuite en détail comment la transition vers l’énergie verte peut concrètement être réalisée, en insistant sur les deux facteurs clés que sont la réduction de la demande d’énergie et la stimulation de l’offre d’énergie verte. Plusieurs politiques prometteuses en matière d’énergie verte peuvent être mises en œuvre à l’échelle locale et décentralisée, ce qui permet d’éviter la concentration fatale des rentes de ressources et du pouvoir politique qui a conduit le pétrole et le gaz à vider la démocratie de sa substance, à alimenter la corruption et à déclencher des guerres civiles et interétatiques. Pour la grande majorité des utilisations, l’électrification et l’approvisionnement en énergies renouvelables seraient beaucoup plus efficaces que les combustibles fossiles. Il est donc nécessaire de renforcer l’offre d’énergie verte par l’innovation et des incitations à l’adoption.

Selon Emmanuel Combet et Antonin Pottier (2024), la transition écologique ne peut être réduite à une somme de mesures techniques. Elle exige une redéfinition profonde du contrat social, c’est-à-dire des attentes partagées et des règles de vie en commun qui articulent les demandes sociales, économiques et écologiques. Pour réussir la transition, il est crucial d’adopter une approche politique et démocratique. Cela implique de prendre en compte les désaccords, les aspirations divergentes et les inégalités que la transition peut engendrer. Il ne s’agit pas de « planifier » la transition de manière unilatérale, mais de la « concerter » avec l’ensemble de la société. Les auteurs plaident pour la construction de compromis de société qui décloisonnent les questions sociales, économiques et écologiques. Il s’agit de trouver des accords mutuellement avantageux qui permettent d’avancer collectivement, même avec des intérêts divergents. La question de la justice distributive des efforts et des bénéfices de la transition est primordiale. La transition écologique doit être pensée dans un cadre beaucoup plus large de choix et de projets de société. Elle ne peut être dissociée d’autres enjeux comme la balance des paiements (par exemple, la réduction de la rente pétrolière) ou la réforme des finances publiques. Ces auteurs appellent à une réorientation majeure de la manière d’aborder la transition écologique, en passant d’une logique purement technique à une logique de débat politique et de construction collective d’un nouveau contrat écologique, juste et durable.

  • Stabiliser le système économique dans un monde sans croissance d’ici quelques années

Selon Vaclav Smil (2019), la croissance est une drôle de chose : elle est formidable jusqu’à ce qu’elle ne le soit plus. Dans tous les systèmes naturels de la planète, il arrive un moment où la croissance atteint un sommet triomphal. Ensuite, une croissance accrue commence à faire plus de mal que de bien. Elle devient « maligne, cancéreuse, obèse et destructrice pour l’environnement ». La courbe des effets de la croissance ressemble à un sourire inversé, et tous les pays développés se trouvent aujourd’hui sur la pente descendante, dans la zone de ce que Smil appelle les « insultes anthropogéniques aux écosystèmes ».

Plusieurs modèles économiques permettent de montrer qu’il est possible en théorie de stabiliser le système dans une économie sans croissance même si cela soulève plusieurs difficultés (Berg et al., 2015, Jackson & Victor, 2015, Rosenbaum, 2015, Cahen-Fourot & Lavoie, 2016, Barrett, 2018, Fontana & Sawyer, 2022). Pour y arriver il est nécessaire de mener d’importantes transformations dont certaines pistes sont données dans cet article.

Paul Jorion estime dans ses travaux qu’il faut d’une part déconnecter l’État-providence de la nécessité de la croissance, en inscrivant directement le premier dans les institutions en instaurant une redistribution équitable de la nouvelle richesse créée, et ceci, que celle-ci soit conjoncturellement abondante ou médiocre. Pour cet auteur, juste partage exige la remise en cause des règles comptables qui traitent les salaires comme des coûts et les bonus de la direction et les dividendes des actionnaires comme des parts de bénéfices, pour les considérer tous ensemble comme des avances faites au même titre à la production de marchandises ou de services.

Appliquées à l’environnement les analyses de Minsky sont encore plus pertinentes. Comme le suggèrent plusieurs études, la poursuite indéfinie de la croissance et de la rentabilité conduira à l’effondrement du système et l’appauvrissement de l’humanité. Au-delà de la rentabilité il est nécessaire de regarder la soutenabilité écologique, sociale et financière du système.

Conclusion

L’analyse des relations entre économie et écologie montre qu’il convient de résorber les nombreux déséquilibres macroéconomiques qui existent au niveau mondial pour pouvoir stabiliser le système (les bulles financières générées par les actifs carbonés, les déséquilibres commerciaux et budgétaires, la concurrence fiscales et les inégalités devenues aujourd’hui trop fortes qui sapent la stabilité politique et économique).

Selon Vaclav Smil (2024), personne ne peut offrir une estimation fiable du coût éventuel d’une transition énergétique mondiale d’ici à 2050. Si le Global Institute de McKinsey estime cet effort à environ 10 % du PIB pendant trois décennies, Vaclav Smil estime que les économies avancées devraient consacrer 20 à 25 % de leur PIB annuel à la transition énergétique.

Nous investissons des montants considerables dans des actifs carbonés pas très éloignés de ces ordres de grandeur et il est possible d’augmenter un peu l’investissement et de diminuer un peu la consommation sans impacter énormément le PIB. Si nous ne réalisons pas ces investissements le système s’effondrera.

Comment le système financier va s’effondrer ? Les prix des primes d’assurance vont fortement augmenter entrainant l’incapacité des propriétaires de renouveler leur couverture alors que les assureurs seront confrontés à une série d’incendies, de tempêtes et d’ouragans. La valeur des biens immobiliers, commencera à diminuer.

La contagion se propagera car il est nécessaire d’avoir une assurance pour obtenir un prêt hypothécaire, alors que la couverture immobilière s’estompera, il en va de même pour la présence des banques. État après État, il deviendra impossible de trouver une succursale bancaire. Certains prêteurs auront complètement quitté le secteur hypothécaire. Quelques-uns commencent à signaler de grosses pertes. Les bouleversements climatiques, déstabiliseront les assureurs, les banques et les marchés immobiliers. Les propriétaires vivront dans des logements d’une valeur inférieure au prix qu’ils avaient payé pour les acheter.

Les gouvernements à court d’argent essaieront de combler les lacunes des régimes d’assurance en dernier recours. Mais ces plans coûteront généralement plus cher et couvriront moins. Par ailleurs, ce problème sera aggravé par l’arrêt et le ralentissement de la croissance qui peut conduire à une explosion de la dette publique (Jackson & Jackson, 2025).

Les défauts de paiement hypothécaires commenceront à augmenter, ainsi que les saisies et les défaillances de cartes de crédit. La crise climatique engendrera des mécanismes similaires à ceux qui se sont passés pendant la crise des subprimes. Cependant et contrairement aux autres crises financières, la cause sous-jacente de celle-ci n’est pas financière, elle est physique, il n’est ainsi pas possible de savoir si cela se finira un jour.

Cet article montre aussi clairement que le système économique mis en place sous en occident sous l’influence de John Meynard Keynes notamment est nettement supérieur à celui a vu le jour ensuite sous l’influence de Milton Friedman et des économistes qualifiés de néo-libéraux. Le retour à un système économique inspiré des principes de Keynes permettrait de résoudre beaucoup de nos problèmes actuels même si au-delà de la politique keynésienne un enjeu aujourd’hui consiste à rendre nos économies sobres en énergie.

Les investissements réalisés dans des technologies renouvelables sont beaucoup plus rentables que les investissements réalisés dans les énergies fossiles. Les premiers peuvent conduire à un PIB mondial qui serait atteint sont le sommet serait atteint au milieu du 21ième siècle alors que les seconds peuvent nous conduire à un PIB mondial dont la valeur serait divisée par 2 ou 3 au cours du 21ième siècle.

Les inégalités économiques et sociales actuelles ne sont pas tenables d’un point de vue financier, économique, écologique et social.

La mise en place d’un système économique plus équilibré s’inspirant des principes préconisés par Keynes permettrait d’éviter l’effondrement politique dans lequel se trouvent nos sociétés actuellement en Occident notamment (voir les travaux de Peter Turshin à ce sujet). Revenir à économie keynésienne permettrait d’empêcher l’arrivée au pouvoir de populistes climatosceptiques et de faire reculer le populisme.

Un monde sans carbone fossile d’ici 2050 est hautement improbable (Smil, 2024). Néanmoins étant donné les retards pris, une crise financière majeure semble difficilement évitable et le passage à une économie de post-croissance sera davantage subi, qu’organisé. Les pays, zone géographiques, entreprises qui y résisteront le mieux seront ceux qui s’y seront le mieux préparés même si malheureusement certaines zones géographiques seront plus touchées que d’autres.

Certaines études montrent qu’une part des investissements nécessaires à la transition énergétique ne seraient pas rentables financièrement à court terme. Ces études montrent, toutefois, que c’est le cas dans le système comptable actuel qui ne mesure pas les énormes dommages occasionnés par le réchauffement climatique.

Si des progrès majeurs ne sont pas réalisés très rapidement dans les quelques années qui arrivent un effondrement du système et une diminution de la population humaine deviendront malheureusement inéluctables. Les responsables politiques, les citoyens et les entreprises feraient bien de s’atteler à résoudre ces problèmes. Notre responsabilité est grande : quoi qu’il arrive il y aura d’importants dégâts mais nous pouvons encore les minimiser.

Il faut agir dès aujourd’hui de façon massive si on veut arriver à minimiser les immenses dommages que va subir l’humanité en termes d’effondrement économique, social et de vies humaines.

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[1] https://www.pgpf.org/article/this-year-we-saw-the-largest-budget-deficit-since-1945-driven-largely-by-the-pandemic/

[2] Lorsqu’il n’y a plus de croissance ou que la valeur des actifs se réduit fortement, les dettes des investisseurs finissent par les étrangler devenant supérieures à la valeur des actifs.  Les investisseurs réduisent alors leurs investissements et sont contraints de vendre leurs actifs financiers pour rembourser leurs dettes. La revente des actifs provoque alors un retournement des marchés financiers et une crise financière. Source : Minsky H. (1986). Stabilizing an unstable economy.

[3] En France, l’investissement représente 20 % à 25 % du PIB. En 2024 la formation brute de capital fixe est égale à 22% du PIB de la France, 21% du PIB de l’Allemagne, 19,5% du PIB de l’Espagne, 22% du PIB de l’Italie et 25% du PIB de la Suède.