Quel modèle économique pour une économie soutenable ?

Auteur : Antonin Arlandis

Comme le suggèrent certaines récentes études, l’humanité est à un tournant historique : elle peut soit s’autodétruire et voir sa population reculer fortement ou totalement si elle n’arrive pas à résoudre la crise climatique et environnementale soit s’en sortir si elle arrive à réaliser des progrès économiques, sociaux et démocratiques majeurs dans les quelques années qui arrivent. Cette note s’appuie sur une revue de la littérature économique et sur des analyses statistiques et économétriques afin d’essayer de dresser les grands axes d’une politique macro-économique qui permettrait de résoudre la crise environnementale. Cette note vise à mettre en exergue les grandes lignes d’une politique macro-économique qui pourrait aider à mettre en œuvre une économie soutenable.

Cette étude s’articule en huit parties. La première partie passe en revue les différents scénarios (effondrement économique et social, stabilisation du système macroéconomique…). La deuxième partie expose les raisons pour lesquelles il nécessaire de sortir du modèle libéral actuel pour revenir à une économie keynésienne. La troisième partie de cette étude présente les deux principales phases de la transition écologique : (i) la phase d’investissement et de transformation de l’économie et, (ii) la phase d’atterrissage de l’économie dans une situation de post-croissance. La quatrième partie montre qu’il est possible de stabiliser le système économique dans une situation qui respecte les limites planétaires mais cela nécessite de surmonter de nombreuses difficultés. La cinquième partie explique qu’il est nécessaire de réduire les asymétries économiques afin de donner aux économies les ressources nécessaires pour investir. La sixième partie explique pourquoi il est nécessaire de faire diminuer les inégalités au sein et entre les pays pour rendre le modèle économique mondial soutenable. La septième partie de l’étude soutient que les pouvoirs publics doivent piloter aussi les économies avec des indicateurs alternatifs au PIB. Enfin la huitième partie soutient qu’il est primordial de développer la démocratie et construire une économie de paix.

  • Les différents scénarios : de l’effondrement économique et social à la stabilisation du système
    • Le scénario peu probable de la croissance du PIB et de la population qui se poursuivrait pendant de nombreuses années

Plusieurs études récentes laissent suggérer que le scénario d’une croissance du PIB et de la population qui se poursuivrait indéfiniment est illusoire. Le PIB est positivement corrélé la population. A mesure que la croissance de la population s’arrêtera, celle du PIB ralentira ou s’arrêta.

Selon une étude récente, menée par Gaya Herrington, responsable de la durabilité et de l’analyse des systèmes dynamiques au sein du cabinet comptable KPMG, publiée dans le Yale Journal of Industrial Ecology, les résultats des auteurs du livre « The limits to growth » vivement critiqués à l’époque, s’avèrent en fait très proches de la réalité. Pour obtenir ces résultats, Gaya Herrington et son équipe ont comparé les projections de 1972 avec les données actuelles réelles et tangibles du développement économique et de l’extraction des ressources. Ces auteurs ont pris en compte un ensemble de dix variables clés : la population, les taux de fertilité, les taux de mortalité, la production industrielle par tête (mesurée par la formation brute de capital fixe par tête), la production alimentaire, les services par tête, les ressources non renouvelables, la pollution persistante, le bien-être humain (mesuré par l’indice de développement humain) et l’empreinte écologique.

Gaya Herrington et son équipe estiment que les scénarios prospectifs les plus probables sont ceux appelés « BAU2 » (business-as-usual) et « CT » (comprehensive technology). Les scénarios BAU2 et CT conduisent à un arrêt de la croissance aux alentours de 2040. Les deux scénarios indiquent donc que le maintien du statu quo, c’est-à-dire la poursuite d’une croissance économique continue, n’est pas possible. Même associé à un développement et à une adoption technologique sans précédent, le business as usual tel que modélisé conduirait inévitablement à un déclin du capital industriel, de la production agricole et des niveaux de bien-être au cours de ce siècle.

Vaclav Smil (2019) considère que la croissance doit s’arrêter afin que l’humanité puisse survivre et que les économistes ne semblent pas s’en rendre compte. Sans une biosphère en bon état, il n’y a pas de vie sur terre. Beaucoup d’économistes estiment qu’il est possible de découpler entièrement la croissance de la consommation de matériaux, mais c’est un non-sens total selon Vaclav Smil.

Selon Tim Jackson (2017), il est pratiquement impossible d’envisager des scénarios viables d’atténuation du réchauffement climatique dans lesquels la croissance du PIB se poursuivrait indéfiniment. Il existe de nombreuses preuves que l’intensité en carbone du PIB mondial a diminué de plus d’un tiers depuis le milieu des années 1960. Ce type de découplage relatif ne suffit toutefois pas à lui seul de permettre à la croissance du PIB de se poursuivre éternellement selon l’analyse de Tim Jackson (2021).

Les limites planétaires imposent des contraintes (Rockstrom ̈ et al., 2009). Au cours des deux ou trois prochaines décennies, l’action en faveur du climat devrait contribuer à décarboner l’économie et à réduire la pauvreté. Ensuite, les limites planétaires pourraient bien limiter la croissance (à la fois du PIB et de la population) et devraient déjà être prises en compte dans les réflexions sur les politiques publiques selon Stiglitz & Stern (2023).

  • Le scénario à éviter : celui de l’effondrement du PIB et de la population mondiale

Dans le scénario BAU2 du modèle de Gaya Herrington, la production industrielle baisse de 85 % entre 2040 et 2100 et la population mondiale s’écroule elle aussi. Dans le scénario CT la production industrielle baisse de 40 % entre 2040 et 2100 et la population mondiale diminue légèrement.

William Rees (2023) considère que la révolution scientifique et l’utilisation des combustibles fossiles ont réduit de nombreuses formes de rétroaction négative, ce qui a permis à l’humanité de réaliser son plein potentiel de croissance exponentielle. L’augmentation de la population d’un à huit milliards d’habitants et la multiplication par plus de 100 du PIB mondial réel en seulement deux siècles, sur une planète finie, ont propulsé la société techno-industrielle moderne dans un état de dépassement avancé. Les humains consomment et polluent davantage que les limites planétaires ne le permettent.

Selon la vision de William Rees, la croissance se poursuivra jusqu’à ce que la consommation excessive et la dégradation de l’habitat entraînent à nouveau des pénuries alimentaires et la famine, ou que les maladies et les prédateurs fassent leur part. La croissance matérielle et démographique dans des habitats finis est limitée par la disponibilité des intrants essentiels, par la capacité de l’environnement du système à assimiler les sorties, ou par diverses formes de rétroaction négative. L’économie mondiale se contractera inévitablement tandis que la population mondiale sera amenée à fortement diminuer au cours de ce siècle. Seule une minorité d’êtres humains pourront survivre.

Le think tank Carbon tracker initiative évalue à 1000 milliards de dollars la valeur des actifs liés aux secteurs pétro-gaziers dont la valeur risque de s’effondrer en raison de la décarbonation de l’économie mondiale. Cette évaluation est en réalité nettement sous-estimée au regard des analyses scientifiques. Vaclav Smil (2024) montre notamment que la part des combustibles fossiles dans la consommation mondiale d’énergie a peu diminué, passant de près de 86 % en 1997 à environ 82 % en 2022. La taille de la finance mondiale est passée de trois années de PIB environ en 1990 et 5 années et demie en 2023[1], soit environ 500 000 milliards de dollars. La décarbonation de l’économie devrait s’accélérer. La valeur des actifs échoués pourrait rester très élevée au cours des prochaines années ce qui risque de menacer la soutenabilité du système financier mondial.

Les dommages générés par la hausse des températures et la dégradation de l’environnement (perte de la biodiversité, épuisement des ressources naturelles, incendies, montée des eaux…) risquent de détruire la valeur de certains actifs jusqu’à atteindre un moment Minsky[2]. Plus la hausse des investissements en faveur du climat et la transformation vers une économie plus sobre en énergie seront lentes, plus il y a de chance qu’une crise financière majeure (voire plusieurs) se déclenche au cours des prochaines années. Ce risque est par ailleurs renforcé par la hausse des dettes publiques et privées qui atteint actuellement des records.

Dans le cadre d’une étude publiée en 2022 dans la revue scientifique PNAS, plusieurs auteurs  (Luke Kemp, Chi Xu, Joanna Depledge, Kristie L. Ebi, Goodwin Gibbins, Timothy A. Kohler, Johan Rockström, Marten Scheffer, Hans Joachim Schellnhuber, Will Steffen, & Timothy M. Lenton) rattachés notamment à l’université de Cambridge et au MIT, estiment que le changement climatique peut aller jusqu’à générer l’effondrement de la société voire même l’extinction de l’humanité et que la plupart des études n’examinent pas ces sujets de façon sérieuse.

Ces auteurs considèrent que les crises mondiales ont tendance à se produire par le biais de telles « défaillances synchrones » qui se renforcent et se propagent à travers les pays et les systèmes, comme ce fut le cas dans le cas de la crise financière de 2007-2008. Il est plausible qu’un changement soudain de climat puisse déclencher des défaillances systémiques qui déstabilisent les sociétés du monde entier. Les sociétés humaines présentent des vulnérabilités aux cascades de risques déclenchées par le changement climatique, comme les conflits (y compris nucléaires), l’instabilité politique et les risques financiers systémiques. Les impacts en cascade et les conséquences extrêmes de la forte hausse des températures sont sous-examinés dans la littérature. Selon ces auteurs, il existe peu d’estimations quantitatives des impacts globaux d’un réchauffement de 3 °C ou plus. Ces auteurs constatent que le GIEC tend à concentrer ses recherches sur les impacts générés par une augmentation de la température de 2 °C ou moins.

Les défis environnementaux auxquels nous sommes confrontés sont considérables. Si nous ne les relevons pas, les conséquences seront dévastatrices et cruellement inégales (Hanna Richie, 2024). Le changement climatique accroît le risque de certaines menaces existentielles comme les guerres nucléaires ou les pandémies… Une grande partie de la population humaine est réellement exposée à un risque existentiel selon cette autrice.

Hanna Richie (2024) estime que si nous nous en tenons aux politiques climatiques actuellement mises en place par les pays, nous nous dirigeons vers un monde où le réchauffement sera compris entre 2,5 et 2,9°C. Si chaque pays respecte ses engagements en matière de climat, nous atteindrons un réchauffement de 2,1 °C d’ici à 2100. Le rapport du Emissions Gap Report du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (2024) estime que dans le cadre des politiques actuelles, il y a un chance sur deux que le réchauffement mondial se situent en dessous de 2,9°C et deux chances sur trois que celui-ci se situent en dessous de 3,1°C .

Certains études et évènements récents laissent toutefois suggérer qu’un effondrement de la démocratie et qu’un glissement vers des Etats totalitaires qui se désintéressaient du climat est possible. La crise climatique accroit par ailleurs ce risque d’effondrement et de déstabilisation des systèmes politiques souhaitant mettre en œuvre des politiques de lutte ambitieuse contre le réchauffement climatique (Marten Scheffer, Egbert H. van Nes & Luke Kemp (2023), National Intelligence Council (2021)).

  • Le scénario souhaitable : de la stabilisation du PIB mondial et de la population vers le milieu du 21ième siècle

Eviter le scénario d’effondrement nécessite d’importants progrès socio-économiques et démocratiques. Les mobilisations sociales et environnementales, la prise de conscience ces dernières années et notamment des jeunes générations constitue un facteur d’optimisme pour Gaya Herrington. Il est encore possible d’atteindre le scénario SW (pour sustainable world) dans lequel la production industrielle sera stabilisée aux alentours de 2040 mais plus nous attendons plus nous nous écartons de ce scénario.

  • La sortie nécessaire du modèle libéral et le retour à une économie keynésienne

Pour rendre l’économie stable dans un monde qui demain sera caractérisé par une plus faible croissance (voire une croissance nulle) il est nécessaire de résoudre de nombreux déséquilibres macroéconomiques.

Les idées défendues par Frederich Hayek, Milton Friedman, Ludwig von Mises et Frank Knight, qualifiées de « néolibérales », ont fortement structuré le débat économique des trente dernières années. Selon ce modèle néolibéral, le marché est efficace il faut donc le laisser libre ; les entreprises sont innovantes il faut les laisser aux commandes et il faut avoir confiance de la finance qui est infaillible. Eugène Fama a même reçu le prix Nobel d’économie en 2013 pour avoir estimé que les marchés financiers étaient efficients.

Les économistes néo keynésiens estiment que les marchés sont inefficients et que l’état doit jouer un rôle important dans l’économie tandis que les économistes néoclassiques estiment que si les marchés peuvent être inefficients l’Etat l’est encore davantage. Force est de constater que la crise climatique donne largement raison aux keynésiens et que les marchés doivent être à minima organisés.

L’économie néolibérale ou néoclassique conduit à un sous-investissement qui risque de nous amener vers l’effondrement des marchés. Naomi Mason & Milena Büchs (2023) analysent les barrières à l’adoption de politiques publiques axées le bien-être au-delà de la croissance. Elles soulignent notamment que la nature de ces obstacles reste mal comprise par les chercheurs.

Les principaux obstacles identifiés par ces deux autrices sont :1) la prédominance de la formation à l’économie néoclassique au sein des institutions chargées de l’élaboration des politiques, 2) les approches cloisonnées et court-termistes de l’élaboration des politiques et 3) le rôle des intérêts particuliers dans l’élaboration des politiques et dans l’économie.

Les économistes ultra-libéraux comme Milton Friedman estiment, contrairement à Keynes que le rôle de l’Etat dans l’économie doit être le plus faible possible. La crise des subprimes et celle de la Covid-19 donnent raison à Keynes qui défendait la nécessité pour l’Etat d’intervenir dans l’économie sans se limiter pour cela pas à un Etat gendarme. Il en est de même pour la crise écologique. La réussite extraordinaire des sociétés technologiques comme Apple est parfois présentée comme la preuve du dynamisme du marché. Mariana Mazzucato (2020) rappelle néanmoins que le secteur privé bénéficie des investissements publics et que l’investissement public est complémentaire de l’investissement privé. Marina Mazzucato souligne que la recherche fondamentale ayant permis chacune des innovations rendant le smartphone intelligent (GPS, microprocesseur, écran tactile, Internet même) a été financée par le gouvernement des États-Unis. Le rôle de l’Etat est crucial pour accélérer la transition vers un modèle économique soutenable. Comme le souligne Kate Raworth (2017), celui-ci peut, par bien des manières, encourager activement une alternative régénérative, notamment en structurant la fiscalité et les réglementations, en intervenant comme investisseur transformatif et en favorisant le dynamisme des communs.

Selon Joseph Stiglitz (2024)[3], les partisans du néolibéralisme n’ont jamais semblé reconnaître que l’extension de la liberté des entreprises réduisait la liberté du reste de la société. La liberté de polluer signifie une détérioration de la santé (voire la mort pour les asthmatiques), des conditions météorologiques plus extrêmes et des terres inhabitables. Il y a toujours des compromis, bien sûr, mais toute société raisonnable conclurait que le droit de vivre est plus important que le droit fallacieux de polluer.

Le néolibéralisme considère également la fiscalité comme un affront à la liberté individuelle : chacun a le droit de garder ce qu’il gagne, quelle que soit la manière dont il l’a gagné. Mais même lorsqu’ils gagnent honnêtement leur vie, les partisans de ce point de vue ne reconnaissent pas que ce qu’ils gagnent a été rendu possible par les investissements publics dans les infrastructures, la technologie, l’éducation et la santé publique. Il est rare qu’ils s’arrêtent pour réfléchir à ce qu’ils auraient eu s’ils étaient nés dans l’un des nombreux pays où l’État de droit n’existe pas (ou à ce que serait leur vie si le gouvernement américain n’avait pas fait les investissements qui ont conduit à la mise au point du vaccin COVID-19).

La décarbonisation complète de l’économie mondiale d’ici 2050 n’est désormais concevable qu’au prix d’un repli économique mondial impensable, ou à la suite de transformations extraordinairement rapides reposant sur des avancées techniques quasi miraculeuses Vaclav Smil (2022).

Minsky estime que les entreprises motivées par le profit dans une économie capitaliste ont tendance à finir par innover jusqu’à atteindre un point d’instabilité, ce qui diffère considérablement de l’école de pensée « traditionnelle » selon laquelle l’économie progresse naturellement vers un équilibre stable à moins d’être affectée par un choc exogène au système ou bien par une erreur politique. En conséquence, Minsky considère que l’un des rôles clés du gouvernement est une forme plus agressive de surveillance réglementaire ; sinon, les régulateurs ont tendance à n’adopter des réformes significatives qu’après une crise, ce qui s’attaque inévitablement aux maux du passé et ne tient pas compte des nouvelles innovations de l’avenir, ce qui, en fin de compte, relance le processus de déstabilisation. En tant qu’adepte de Keynes, Minsky était également partisan d’un « Big Government » pour aider à stabiliser l’économie, bien que nombre de ses recommandations politiques diffèrent de la manière dont les politiques de dépenses publiques de type keynésien sont mises en œuvre aujourd’hui.

  • La décarbonation et la stabilisation du système doit se faire selon plusieurs phases : la phase d’investissement et la phase de stabilisation

Deux leviers peuvent notamment être activés afin de faire rentrer l’économie dans les limites planétaires et la rendre neutre en carbone : la hausse du découplage (à travers l’investissement et la transformation de l’économie) et la modération progressive de la croissance. Plusieurs études qui laissent suggérer que la croissance économique pourrait s’arrêter au milieu du siècle actuel (Gaya Herrington (2022), Stern & Stiglitz (2023)).

La première phase qui permettra de commencer de sortir de crise climatique sera caractérisée par le passage d’une économie trop libérale à une économie d’investissement keynésienne. Stern & Stiglitz (2023) estiment que la résolution de la crise climatique passera par une action et des investissements en faveur du climat massifs lors des 20-30 prochaines années, période pendant laquelle la croissance du PIB se poursuivra avant que celle-ci ne s’arrête.

Cahen-Fourot & Monserand (2023) expliquent qu’une économie en transition vers la post-croissance peut être pensée comme la succession de trois phases : les deux premières constituent la transition et la troisième le point d’arrivée. Dans la première phase, la croissance du PIB peut résulter des investissements massifs dans les infrastructures, les équipements, et dans tous les secteurs de l’économie, réalisés dans le but de réduire autant que possible l’impact environnemental de toute activité productive. L’effet concret sur la croissance dépendra notamment de l’ampleur relative des investissements et des désinvestissements à effectuer, des effets multiplicateurs ainsi générés et des changements de modes de consommation qui s’opèrent simultanément.

La deuxième phase verra une réduction de l’activité économique due aux changements progressifs des modes de vie et à la réorganisation de l’économie vers plus de simplicité et de sobriété. Cette phase peut s’identifier à la décroissance selon ces auteurs. Durant cette phase, la consommation privée tend à diminuer davantage que la consommation publique, c’est surtout l’investissement net privé qui aura tendance à être négatif. L’investissement public pourrait au contraire rester stable afin de maintenir la qualité des services publics. Troisièmement, l’état stationnaire ou l’état de post-croissance constitue le point d’arrivée où le volume de l’activité économique se stabilise et où tous les stocks et flux économiques demeurent constants en moyenne.

La phase d’investissement et de transformation de l’économie va générer des effets à la fois positifs et négatifs sur la croissance du PIB. L’impact des investissements dans des infrastructures bas-carbone sur la croissance dépendra notamment des multiplicateurs keynésiens. La transformation de l’économie va générer des gains de productivité tandis que la disparition / diminution des formes de production destructives et inutiles va générer des effets négatifs sur la croissance.

Pour faire rentrer l’économie dans les limites planétaires et la rendre neutre en carbone il faut notamment activer deux leviers : la hausse du découplage et la modération progressive de la croissance.

Jason Hickel, Giorgos Kallis, Tim Jackson, Daniel O’Neill, Juliet Schor, Julia Steinberger, Peter Victor & Diana Ürge-Vorsatz, (2022), estiment que « l’expérience des pays qui ont dû s’adapter à des conditions de faible croissance, comme Cuba après la chute de l’Union soviétique et le Japon, sont riches d’enseignements. ». L’analyse du Japon montre qu’il n’y a quasiment plus de croissance économique dans ce pays. Cependant, les émissions de gaz à effet de serre ne baissent quasiment pas au Japon (seulement -0,2% par an en moyenne sur la période 2009-2019). Au Danemark et au Royaume-Uni, la croissance du PIB est toujours positive et supérieure à celle du Japon alors que ces deux pays expérimentent des baisses d’émissions de gaz à effet de serre supérieures (-4,7% pour le Danemark et -2,9% pour le Royaume-Uni par an en moyenne sur la période 2009-2019). Le cabinet IDH21 montre que la période 2007-2014 pendant laquelle la croissance du PIB des États membres de l’Union européenne a été la plus faible s’est également caractérisée par une diminution significative des émissions de CO2. Il existe donc des situations dans lesquelles la croissance verte peut donner de moins bons résultats que l’absence de croissance en matière de décarbonation de l’économie et inversement des situations dans lesquelles la croissance verte peut donner de meilleurs résultats que l’absence de croissance.

L’arrêt de la croissance sans déclanchement des investissements nécessaires ferait que geler les émissions, à des niveaux très élevés comme le montre clairement l’exemple du Japon.

Stiglitz & Stern (2023), estiment que l’arrêt immédiat de la croissance mondiale n’est ni nécessaire ni suffisant pour permettre d’aboutir à une économie caractérisée par des émissions nettes de gaz à effet de serre nulles. Il est donc nécessaire de jouer sur les deux leviers en actionnant, dans un premier temps, des investissements massifs ce qui permettra, ensuite, de stabiliser l’économie dans une situation de post-croissance.

Tim Jackson & Peter Victor (2020) montrent, que l’amélioration de la situation environnementale et sociale est possible même lorsque le taux de croissance du PIB par habitant devient progressivement nul. Dans le scénario de prospérité durable (le scénario optimal selon ces auteurs), la croissance du PIB par habitant ralentit à partir de 2027 et devient nulle en 2050. L’indice de Gini diminue (ce qui signifie que les inégalités diminuent elles aussi) alors qu’il reste stable dans les deux autres scénarios. Le ratio dette publique sur PIB modélisé dans le scénario de prospérité durable augmente sans toutefois exploser (même lorsque la croissance du PIB par habitant devient nulle).

Pour faire rentrer l’économie dans les limites planétaires et la rendre neutre en carbone il faut notamment activer deux leviers : la hausse du découplage et la modération progressive de la croissance.

Dire que l’investissement et la croissance sont essentiels dans les deux ou trois prochaines décennies ne signifie pas pour autant soutenir que la croissance doit se poursuivre indéfiniment d’après Stiglitz & Stern (2023). Les limites planétaires imposent en effet des contraintes (Rockstrom ̈ et al., 2009). Au cours des deux ou trois prochaines décennies, l’action en faveur du climat devrait contribuer à décarboner l’économie et à réduire la pauvreté. Ensuite, les limites planétaires pourraient bien limiter la croissance (à la fois du PIB et de la population) et devraient déjà être prises en compte dans les réflexions sur les politiques publiques selon Stiglitz & Stern (2023). Stiglitz & Stern (2023) sont, sans doute, légèrement trop optimistes quant au delta de croissance qu’il reste au niveau mondial avant que celle-ci ne s’arrête. Il existe d’autres facteurs qui font que la croissance pourrait être ralentie et faible dans les prochaines décennies. Une nouvelle crise financière pourrait très bien subvenir lors des prochaines années. Plus la hausse des investissements en faveur du climat et la transformation vers une économie plus sobre en énergie seront lentes, plus il y a de chance qu’une crise financière majeure se déclenche au cours des prochaines années.

  • Il est possible de stabiliser le système économique dans une situation qui respecte les limites planétaires mais cela nécessite de surmonter de nombreuses difficultés

Plusieurs auteurs se sont intéressés à la stabilité d’une économie caractérisée par une croissance du PIB nulle dans laquelle le taux d’intérêt resterait positif. Il existe plusieurs modèles qui permettent de montrer que cela est possible en théorie (Berg et al., 2015, Jackson & Victor, 2015, Rosenbaum, 2015, Cahen-Fourot & Lavoie, 2016) et d’autres non (Binswanger, 2009). L’économie est considérée comme stable s’il existe un équilibre robuste à de petits chocs et des caractéristiques économiquement souhaitables, à savoir des niveaux de profits et de salaires équilibrés, et un faible taux de chômage (Richters & Siemoneit, 2017).

Adam Barret (2018) s’inspire du modèle de Keen qui repose sur l’hypothèse d’instabilité financière de Minsky. L’analyse se concentre sur la dynamique plutôt que sur l’équilibre, et des scénarios de croissance et de croissance nulle de la production (PIB) sont obtenus en modifiant un paramètre d’entrée de croissance de la productivité. Avec ou sans croissance, il peut y avoir des scénarios qui sont stables et d’autres instables. Pour que l’économie reste stable, les entreprises ne doivent pas modifier trop rapidement leur niveau d’endettement ou leur niveau d’endettement cible. La part des salaires est plus élevée dans les scénarios de croissance nulle, bien que les baisses substantielles d’emploi soient plus fréquentes.

Eckehard Rosenbaum (2015) examine les conditions dans lesquelles une croissance du PIB égale à zéro est possible en s’appuyant sur le modèle de Kalecki (modèle post-keynésien). Dans ce modèle, lorsque la croissance est déterminée par les profits, des profits plus élevés entraînent des taux de croissance plus élevés et, inversement, des profits plus faibles entraînent des taux de croissance plus faibles.

Lorsque la croissance est déterminée par les salaires, des bénéfices plus élevés entraînent des taux de croissance plus faibles et, inversement, des bénéfices plus faibles entraînent des taux de croissance plus élevés. Il est possible de stabiliser une économie déterminée par les salaires avec une variation du PIB égale à zéro. Le progrès technologique permet d’économiser de la main-d’œuvre, la demande de main-d’œuvre diminue en l’absence de croissance en raison du remplacement progressif du stock de capital existant par des machines à moindre intensité de main-d’œuvre. La question de la redistribution du travail (et donc des revenus) est cruciale si l’on veut que la croissance faible ou nulle reste socialement et économiquement viable.

Selon Fontana & Sawyer (2015), il est possible d’atteindre des niveaux d’emploi élevés même en l’absence de croissance en réduisant le nombre moyen d’heures de travail, en déplaçant l’emploi vers des secteurs à forte intensité de main-d’œuvre et/ou en réorientant le changement technologique pour augmenter la productivité des ressources plutôt que celle du travail.

Fontana & Sawyer (2022), examinent les conditions dans lesquelles le passage à une économie à croissance nulle dans les économies avancées est possible en utilisant une analyse postkeynésienne. Cela impliquerait une restructuration majeure de l’économie. Il convient pour cela de trouver des moyens d’aboutir un investissement net nul, notamment en limitant le crédit et en restreignant les investissements des entreprises. Dans leur analyse, le taux de profit et le taux de croissance sont liés, pour aboutir à une croissance nulle, il faut qu’il y ait un faible taux de profit. Avec un investissement net proche de zéro, un déficit budgétaire serait nécessaire pour assurer la pleine utilisation des capacités, dans des conditions d’épargne positive. Le plein emploi de la main-d’œuvre nécessiterait également une capacité de production suffisante. Un ajustement du temps de travail peut s’avérer nécessaire pour maintenir le plein emploi.

Eckhard Hein & Valeria Jimenez (2022) tentent de clarifier certains aspects importants autour du débat sur la croissance du PIB égale à zéro, en particulier la cohérence d’une croissance égale à zéro (c’est-à-dire un PIB stable) avec des profits positifs et un taux d’intérêt réel positif. Le modèle mathématique utilisé par ces auteurs, leur permet de montrer qu’une économie stationnaire, c’est-à-dire une économie où l’investissement net est nul, est compatible avec des profits et des taux d’intérêt positifs. Ce modèle montre également qu’une économie stationnaire ne génère pas d’instabilité financière systémique, au sens d’une hausse ou d’une baisse des ratios actif financier ou passif financier sur revenu, si les soldes financiers de chaque secteur macroéconomique sont nuls. Cependant, l’ajustement des ratios dépenses publiques/capital et dette publique/capital à leurs valeurs d’équilibre à long terme nécessite des seuils spécifiques pour la propension à consommer et pour les taux d’intérêt, un budget public équilibré et des bénéfices non distribués nuls dans le secteur privé.

Hannah Ritchie (2024) est pessimiste quant à la possibilité de limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré, mais optimiste quant à la possibilité de ne pas dépasser le seuil de 2 degrés. Elle souligne le fait que les émissions de CO2 par habitant semblent avoir atteint leur maximum, que la croissance est découplée des émissions et que la baisse du prix des énergies renouvelables entraîne une transformation des systèmes énergétiques. Les phénomènes météorologiques extrêmes sont plus fréquents, mais le nombre de décès dus aux catastrophes naturelles a diminué, grâce à l’amélioration de l’alerte précoce et de la protection. Des changements sont en cours et peuvent être accélérés dans les domaines de l’énergie, des transports, de l’alimentation et de la construction.

Vaclav Smil  (2024) évalue la réduction des émissions de carbone dans le passé et la faisabilité de l’élimination des combustibles fossiles pour parvenir à un bilan carbone nul d’ici 2050[4]. Malgré les accords internationaux, les dépenses et les réglementations des gouvernements, et les progrès technologiques, la consommation mondiale de combustibles fossiles a augmenté de 55 % entre 1997 et 2023. La part des combustibles fossiles dans la consommation mondiale d’énergie a peu diminué, passant de près de 86 % en 1997 à environ 82 % en 2022.

La première transition énergétique mondiale, qui a consisté à passer des combustibles traditionnels issus de la biomasse, tels que le bois et le charbon de bois aux combustibles fossiles, a commencé il y a plus de deux siècles et s’est déroulée progressivement. Cette transition reste incomplète, car des milliards de personnes dépendent encore des énergies traditionnelles de la biomasse pour cuisiner et se chauffer.

L’ampleur de la transition énergétique actuelle nécessite environ 700 exajoules de nouvelles énergies non carbonées d’ici à 2050. La conversion des processus à forte intensité énergétique (par exemple, la fonte du fer, le ciment et les plastiques) à des alternatives non fossiles nécessite des solutions qui ne sont pas encore disponibles pour une utilisation à grande échelle. La transition énergétique impose une demande sans précédent de minerais, notamment de cuivre et de lithium, dont la localisation et l’exploitation nécessitent beaucoup de temps. Pour éliminer les émissions de carbone d’ici 2050, les gouvernements sont confrontés à des défis techniques, économiques et politiques sans précédent, ce qui rend impossible une transition rapide et peu coûteuse.

Il est possible de poursuivre les analyses de Fontana & Sawyer (2022) et celles de Tim Jackson & Peter Victor (2020) notamment et de les appliquer à plusieurs pays de la zone euro (France, Allemagne, Italie, Espagne et Pays-Bas) afin d’étudier ce qui se passerait au niveau des finances publiques si la croissance du PIB s’arrêtait en 2024. Les projections du FMI peuvent être utilisées pour cela. Ces analysent montrent qu’il est possible d’avoir des finances publiques qui restent stables et une dette publique qui ne s’envole pas dans une situation de croissance du PIB égale à zéro mais il faut que la somme du déficit public et du taux d’intérêt soit inférieure au taux d’inflation (il faut donc que l’inflation soit un peu élevée soit que le déficit public soit très faible ou nul et que les taux d’intérêt soient très faibles). A court terme et dans le contexte actuel l’arrêt immédiat de la croissance ne permet pas (ou du moins très difficilement) aux États d’utiliser le déficit public afin d’investir et de décarboner l’économie. Dans le modèle de Tim Jackson & Peter Victor (2020) le déficit public augmente pendant la période d’investissement dans laquelle l’économie du Canada continue de croître (légèrement). Lorsque la croissance s’arrête le déficit public devient très faible. Pour que les pays de la zone euro et de l’Union européenne arrivent à stabiliser le système dans une situation de post-croissance ou de très faible croissance, il faut que les pays arrivent à résoudre les déséquilibres macro-économiques de la zone euro et de l’Union européenne.

Les prévisions du FMI sont inquiétantes pour des pays comme la France et l’Italie. Dans ces deux pays la dette publique (rapportée au PIB) devrait continuer de progresser. En France elle serait supérieure en 2029 au niveau atteint lors de la crise de la Covid-19. Si la croissance venait à s’arrêter dans ces deux pays dans le contexte actuel, les conséquences sociales et climatiques seraient graves. Il n’y aurait pas assez d’investissement en faveur du climat et les émissions baisseraient à un rythme beaucoup trop lent.

  • Réduire les asymétries fiscales et donner aux économies les ressources nécessaires pour investir

L’Union européenne ne pourra pas stabiliser le système économique dans une situation de post-croissance si les asymétries entre les Etats membres ne sont pas fortement réduites.

Jérôme Creel, François Geerolf, Sandrine Levasseur, Xavier Ragot et Francesco Saraceno constataient en 2022 que si l’Union européenne avait jusqu’à présent bien géré la crise de la Covid-19, des tendances inquiétantes de long terme étaient toujours à l’œuvre : Ces auteurs n’observant pas de convergence des balances commerciales. En 2024, les tendances identifiées par ces auteurs sont toujours à l’œuvre. En particulier, la balance commerciale de la France ne montrait pas de signe de redressement. En 2023, le solde commercial français s’est amélioré. Le déficit s’est réduit d’un tiers, passant à environ -130 milliards d’euros. Mais, cette amélioration est due à la baisse des prix de l’énergie, le solde hors énergie restant stable depuis 2021[5].

Les niveaux de richesse par habitant ne présentent pas de signe de convergence. Le PIB par habitant italien qui était inférieur de 21 % à celui de l’Allemagne en 2010 est, en 2023, inférieur à celui de l’Allemagne de 27 %. Les niveaux de dette publique sont hétérogènes au sein de la zone euro. En 2023, la dette publique de l’Italie est 2,5 fois supérieure à celle de l’Allemagne et 3,3 fois supérieure à celle des Pays-Bas. La dette publique de la France est 2,1 fois supérieure à celle de l’Allemagne et 2,9 fois supérieure à celle des Pays-Bas.

À l’inverse, d’autres facteurs témoignent de signes de convergence : Les taux de chômage montrent des signes de décroissance après le point haut de 2012 dû à la mauvaise gestion de la crise de dettes publiques en Europe ; Les coûts unitaires du travail convergent depuis 2015, notamment du fait de la dynamique des salaires allemands, qui rattrape la moyenne de l’Union européenne. Cinq explications – parfois opposées – expliquent ces tendances, chacune d’entre elles motivant des orientations spécifiques de réformes des règles et des institutions européennes. Elles insistent sur 1) les différentiels d’inflation, 2) une demande excessive au Sud, 3) une demande insuffisante au Nord, 4) la politique industrielle ou 5) les imperfections financières. Jérôme Creel, François Geerolf, Sandrine Levasseur, Xavier Ragot et Francesco Saraceno, déduisaient quatre recommandations de ces analyses: Recommandation n° 1. Des politiques de stimulation de la demande interne des pays en fort excédents commerciaux doivent être mises en place, notamment par le renforcement de l’investissement public et par des politiques budgétaires plus accommodantes au nord de l’Europe. Recommandation n° 2. La politique industrielle de l’UE se doit d’être plus ambitieuse au regard des enjeux économiques. Recommandation n° 3. Il faut assurer une convergence nominale non déflationniste en s’accordant sur des modalités communes de fixation des salaires, notamment les salaires minimums en Europe assurant des hausses nominales dans les pays du Nord. Recommandation n° 4. Une exclusion de l’investissement public des règles européennes est une ambition minimale. L’analyse de la soutenabilité des dettes publiques devrait conduire à des recommandations différenciées par pays et non à l’application de règles uniformes.

En 2016, Joseph Stiglitz avait déjà effectué des propositions visant à améliorer le fonctionnement de la zone euro. Au sein de la zone euro, il serait possible de créer une union bancaire ; mutualiser les dettes publiques (et utiliser les fonds pour investir dans l’éduction ou les infrastructures) ; améliorer les règles budgétaires ; créer un fonds de solidarité pour la stabilisation de l’économie ; créer une structure fiscale commune. Joseph Stiglitz préconisait d’assouplir les règles budgétaires, afin que les Etat ne soient pas contraints de tailler dans les dépenses d’avenir pendant les récessions. Une forme de budget européen, plus ambitieux que celui d’aujourd’hui, s’avère indispensable selon Joseph Stiglitz. Les revenus pourraient provenir d’un petit impôt progressif instauré sur les particuliers et les entreprises. Cela présenterait un double avantage : créer des recettes publiques européennes d’une part, et harmoniser les pratiques des Etats en la matière d’autre part. Cela aiderait, également, à réduire la concurrence fiscale pratiquée notamment par l’Irlande et le Luxembourg.

Gabriel Zucman estime que la mise en place d’un impôt sur la fortune européen est nécessaire et qu’elle permettrait de résoudre de nombreux problèmes [6].

Les asymétries macroéconomiques devront également être réduites dans l’ensemble des pays avancés. Pour parvenir à un bilan carbone net nul, les pays riches devront supporter des coûts représentant au moins 20 % de leur PIB annuel (Vaclav Smil, 2024).

Selon Stiglitz et Stern (2023), une augmentation de l’impôt progressif augmenterait les recettes publiques et réduirait le besoin d’emprunt. Ces recettes contribueraient grandement à fournir les fonds nécessaires à l’investissement dans le domaine du climat. Une meilleure administration fiscale peut entraîner une forte augmentation des recettes fiscales dans l’ensemble des pays. Il en va de même pour les accords internationaux visant à fermer les voies permettant aux riches particuliers et entreprises d’éviter les impôts et de s’y soustraire, y compris les paradis fiscaux et le transfert de bénéfices. La réponse au changement climatique ne nécessite pas d’austérité et de baisse des dépenses publiques. Il n’est guère judicieux de réduire aujourd’hui les investissements publics dans l’éducation, les infrastructures, la R&D ou l’environnement simplement parce qu’à l’avenir, si les choses tournent mal, la dette pourrait ne pas être soutenable.

Trois économistes du FMI (Vitor Gaspar, Shafik Hebous & Paolo Mauro, 2022) estiment que l’évasion et la fraude fiscales entraînent la perte de recettes qui auraient pu financer des dépenses sociales ou des investissements dans les infrastructures. Les politiques nationales qui servent les intérêts d’un pays peuvent affecter d’autres pays de manière préjudiciable. Si chacun définit sa propre politique fiscale sans tenir compte des effets néfastes qu’elle pourrait avoir ailleurs, tous les pays peuvent être perdants. En 2021, 137 pays ont permis une avancée considérable en matière de coordination grâce à un accord qui établit un impôt minimum mondial sur les entreprises de 15 % qui entrera en vigueur en 2024.

La concurrence fiscale au regard de la crise climatique et du risque d’effondrement des sociétés est ce que l’on appelle en théorie des jeux non coopérative un dilemme du prisonnier. Si à court terme les investisseurs et les entreprises peuvent en bénéficier à moyen terme, elle risque de réduire fortement la valeur de leurs avoirs en raison du sous-investissement qu’elle occasionne.

Il convient de mettre en place un système fiscal qui soit davantage harmonisé dans les pays avancés et de sortir de la concurrence fiscale.

  • Les nécessaires baisses des inégalités économiques mondiales

Il est nécessaire de faire baisser les inégalités d’une part, entre les habitants des pays riches pour diminuer le populisme qui aggrave la crise climatique et entre les pays avancés et émergents. Nouriel Roubini (2022) considère que les inégalités sont un grave problème pouvant déchirer le tissu social et qui conduisent aujourd’hui au populisme politique et au nationalisme économique. Les inégalités se sont remises à augmenter dans de nombreux pays à partir des années 1980. Elles ne sont toutefois pas le seul facteur qui expliquent la montée destructrice pour l’humanité du nationalise et du populisme. Selon le Rapport sur les inégalités mondiales (2022), coordonné par Lucas Chancel, avec Thomas Piketty, Emmanuel Saez et Gabriel Zucman, les 1 % les plus riches émettent autant de gaz à effet de serre que les 50 % les plus pauvres de la planète.

  • La nécessaire baisse des inégalités au sein des pays avancés

Après la seconde guerre mondiale la croissance du PIB était plus forte que la croissance actuelle mais les inégalités diminuaient comme le montrent notamment les travaux de Thomas Picketty. Les inégalités de la propriété en Europe et aux États-Unis ont diminué jusqu’aux années 1980-1990 avant de repartir à la hausse. Les inégalités de revenus ont diminué ont diminué après la seconde guerre mondiale jusqu’aux années 1980-1990 avant de repartir à la hausse en Europe aux États-Unis et au Japon. La forte progressivité fiscale mise en place à la sortie de la seconde guerre mondiale a contribué à réduire les inégalités avant que celle-ci ne soit remise en cause notamment par les gouvernements de Ronald Reagan et Margareth Thatcher.

La mondialisation occupe une place prépondérante dans les débats sur le populisme. En particulier dans sa variante postérieure aux années 1990 – qu’il vaudrait mieux appeler hypermondialisation – l’intégration économique internationale semble avoir produit une désintégration intérieure dans de nombreux pays, creusant le fossé entre les gagnants et les perdants de l’exposition à la concurrence mondiale. Du point de vue de la théorie économique, il n’y a rien de particulièrement surprenant à cela. La théorie du commerce standard est assez claire sur les effets redistributifs marqués du libre-échange, et la macroéconomie de l’économie ouverte est depuis longtemps confrontée à l’instabilité des marchés financiers mondiaux. L’histoire économique est tout aussi suggestive (Dani Rodrik, 2021).

  • Les relations entre pays avancés et pays émergents

Les décideurs politiques et les organisations internationales sont de plus en plus conscients que les actions visant à réduire la pauvreté et celles visant à atténuer le changement climatique et à s’y adapter sont inextricablement liées et imbriquées. Hans Peter Lankes, Rob Macquarie, Éléonore Soubeyran, & Nicholas Stern (2023) examinent la littérature relative à la relation entre le développement et l’atténuation du changement climatique dans les pays touchés par la pauvreté. Selon ces auteurs, l’action climatique et la réduction de la pauvreté peuvent être motivées à la fois par un principe fondamental basé sur le droit au développement et par le conséquentialisme conventionnel qui est la norme dans l’économie.

Ces auteurs soulignent l’importance des défaillances du marché, du changement technologique, de la dynamique systémique de la transition et des effets distributifs de l’atténuation et de l’adaptation.

La théorie et les preuves rassemblées dans cette étude montrent que l’absence de lutte contre le changement climatique aurait de graves conséquences pour les personnes en situation de pauvreté. Un développement durable, résilient et inclusif nécessite des investissements et une conception soigneuse des politiques afin de se concentrer sur l’ensemble des activités d’atténuation, d’adaptation et de résilience, sur les pertes et dommages et sur le capital naturel. L’ampleur, le rythme et la nature des changements structurels nécessaires pour atteindre les objectifs climatiques et mettre en œuvre cette nouvelle forme de développement posent une série de défis dans la création de voies de développement très différentes de celles du passé, notamment en ce qui concerne les impacts distributifs et les impacts sur la pauvreté dans le processus de changement.

Selon les données de Global Footprint Network, les habitants des États-Unis consomment chaque année l’équivalent de 5 fois ce que la planète Terre peut produire, les Australiens 4,7 planètes, les Russes 3,8 planètes, les français 3,3 planètes, les Allemands 3 planètes, les Italiens 2,9 planètes, les Britanniques 2,6 planètes, les Chinois 2,5 planètes, les Brésiliens 1,7 planète et les Indiens 0,7 planète.

Lors des prochaines années, la croissance du PIB et de la population devront s’arrêter progressivement et le découplage entre PIB et émissions de gaz à effet de serre doit fortement s’accélérer pour permettre de réduire les inégalités mondiales. Certains auteurs qui critiquent le découplage tout en soutenant que la décroissance n’est pas de la récession n’ont pas fait le travail inverse qui consiste à estimer quelle serait la variation du PIB nécessaire dans les pays avancés pour respecter les accords de Paris si le découplage ne progressait pas ou quasiment pas… Par ailleurs, plusieurs analyses ne tiennent pas compte de la réalité selon laquelle la baisse de la croissance dans les économies avancées se traduit également par une baisse de la croissance dans les économies émergentes.

Si comme le soutiennent Schroder & Storm (2020), il convient de limiter la croissance mondiale du PIB par habitant à 0,45 % par an ou à un niveau encoure inférieur à celui-ci comme le suggèrent Hickel & Kallis (2020), les pays émergents ne pourront jamais rattraper le niveau de vie par habitant des pays avancés d’ici à 2040 et même après. Avec une croissance du PIB par habitant mondiale de 0,45 % par an, pour qu’il n’y ait pas de baisse du PIB par habitant dans les économies avancées, la croissance du PIB par habitant moyenne maximale dans les économies émergentes serait de 2,5%. Le rapport entre le PIB par habitant en parité de pouvoir d’achat des économies avancées et celui des économies émergentes qui est de 4,4 en 2022 passerait à 2,9 en 2040.

Stiglitz & Stern (2023) estiment que l’investissement et la croissance seront nécessaires pour vaincre la pauvreté dans le monde, progresser vers les objectifs de développement durable et accroître le bien-être dans toutes ses dans toutes ses dimensions, en particulier dans les pays pauvres lors des 20 – 30 prochaines années avant que celle-ci ne s’arrête.

Les pays avancés l’Europe et les Etats-Unis doivent donner l’exemple.  Les pays émergents vont subir la majorité des dommages générés par le réchauffement climatique. Il est nécessaire que les efforts soient répartis. Les pays les plus avancés doivent montrer l’exemple et se fixer des objectifs ambitieux. Il convient de transférer les avancées technologiques qui permettront de remplir en partie les objectifs de transition vers une économie bas-carbone. Les pays avancés devront également investir dans la transition environnementale dans les pays émergents. Il est donc nécessaire de mettre en œuvre un système fiscal qui permette concurrence fiscale pour collecter l’impôt plus efficacement l’impôt et réduire les déficits dans les pays avancés (ainsi que dans les pays émergents).

  • Piloter les économies avec des indicateurs alternatifs au PIB

Selon les membres de la commission Stiglitz-Sen-Fitoussi, la poursuite de la croissance du PIB comme objectif principal de nos sociétés est loin d’être un objectif idéal. Le PIB, comme l’ensemble des agrégats de la comptabilité nationale, ne peut rendre compte des évolutions portant sur la répartition des ressources.  Le rapport Stiglitz-Sen-Fitoussi souligne notamment que les embouteillages peuvent augmenter le PIB en raison de l’utilisation accrue de l’essence, mais évidemment pas la qualité de vie.

Les travaux de la commission Stiglitz-Sen-Fitoussi se sont efforcés de proposer des indicateurs synthétiques de bien-être plus appropriés que le PIB, ainsi que des tableaux de bord visant à appréhender performance économique et qualité de la vie à travers leurs différentes facettes. Sans négliger l’intérêt qui s’attache à la construction d’indicateurs synthétiques, la commission a surtout privilégié dans ses travaux le caractère multidimensionnel du bien-être (Marie Clerc, Mathilde Gaini, Didier Blanchet (2010)). Elle n’a pas proposé de tableau de bord tout constitué, mais son rapport peut ainsi se lire comme une esquisse des grandes lignes à suivre lors de la construction d’un tel tableau de bord. Il convient, selon la commission Stiglitz-Sen-Fitoussi, de faire le meilleur usage des indicateurs que produit la comptabilité nationale. Le PIB n’est que l’un d’entre eux. Il a été conçu pour le suivi conjoncturel de l’activité économique, et il n’est pas le mieux placé pour approcher la notion de bien-être de la population. D’autres indicateurs monétaires issus de la comptabilité nationale peuvent lui être préférés. Parmi ces indicateurs non monétaires, certains restent de type objectif (par exemple l’espérance de vie), mais le rapport préconise aussi qu’une place soit faite à des indicateurs subjectifs. La mesure du bien-être courant et de sa soutenabilité sont deux questions qui doivent être clairement distinguées. Avec la soutenabilité, il s’agit de savoir si nous léguons aux générations suivantes suffisamment de ressources pour leur assurer un niveau de bien-être au moins équivalent au nôtre. Cette question a elle-même plusieurs dimensions : la commission a notamment proposé de distinguer la soutenabilité économique, qui reste appréhendable à l’aide d’indicateurs monétaires, et la soutenabilité environnementale, qui est mieux traitée par une batterie d’indicateurs physiques.

Kate Raworth (2017) propose quant à elle de concevoir le système économique selon un Donut au sein duquel l’humanité devrait prospérer. En deçà du fondement social du Donut se trouvent les pénuries en matière de bien-être humain, qu’affrontent ceux auxquels manquent les choses essentielles comme la nourriture, l’éducation et le logement. Au-delà du plafond écologique se trouve un excès de pression sur les systèmes sources de vie, par le biais du changement climatique de l’acidification des océans et de la pollution chimique par exemple. Mais entre ces deux ensembles de limites se situe un endroit agréable (qui a clairement la forme d’un Donut), un espace à la fois écologiquement sûr et socialement juste pour l’humanité. L’anneau du Donut, son fondement social, définit les nécessités de la vie dont toute personne ne devrait manquer. Ces douze bases incluent : une alimentation suffisante ; une eau potable et des conditions sanitaires décentes ; l’accès à l’énergie et à un équipement de cuisine propre ; un logement correct ; l’accès à l’éducation et aux soins de santé ; un revenu minimum et un travail digne de ce nom ; l’accès aux réseaux d’information et de soutien local.

Tim Jackson & Peter Victor (2020) utilise un modèle stock-flux inspiré de l’économie postkeynésienne afin de simuler trois scénarios prospectifs relatifs à l’économie canadienne, couvrant la période allant de 2017 à 2067 : un scénario de base dans lequel les émissions de gaz à effet de serre ne diminuent pas, un scénario de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans lequel des mesures sont introduites spécifiquement pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, et un scénario de prospérité durable qui incorpore des mesures supplémentaires pour améliorer la qualité de l’air et de l’eau dans le pays.

Tim Jackson & Peter Victor (2020) modélisent deux indicateurs composites plus complets que le PIB : l’indice de charge environnementale, d’une part, et l’indice de prospérité durable, d’autre part. L’indice de charge environnementale est conçu pour refléter les impacts environnementaux de l’activité économique non pris en considération par le PIB : la décarbonisation du secteur de l’électricité, la décarbonisation des secteurs non électriques, les co-bénéfices provenant de la décarbonisation sur la santé et l’environnement et les bénéfices non liés au carbone provenant d’autres investissements durables. L’indice de prospérité durable correspond à la somme pondérée du PIB par habitant, du coefficient de Gini relatif aux revenus des ménages, du nombre moyen d’heures travaillées dans l’économie, du ratio entre les prêts et les avoirs nets des ménages, du ratio dette publique/PIB, du taux de chômage et de l’indice de charge environnementale. Ces auteurs montrent, en se basant sur des données propres à l’économie du Canada, que l’amélioration de la situation environnementale et sociale à travers ces deux indicateurs est possible même lorsque le taux de croissance du PIB par habitant devient progressivement nul. Dans le scénario de prospérité durable (le scénario optimal selon ces auteurs), la croissance du PIB par habitant ralentit à partir de 2027 et devient nulle en 2050. L’indice de Gini diminue (ce qui signifie que les inégalités diminuent elles aussi) alors qu’il reste stable dans les deux autres scénarios. Le ratio dette publique sur PIB modélisé dans le scénario de prospérité durable augmente sans toutefois exploser (même lorsque la croissance du PIB par habitant devient nulle).

  • Développer la démocratie et construire une économie de paix

Les analyses géopolitiques ne peuvent plus faire l’impasse sur la dimension écologique et les bouleversements que le réchauffement climatique – sécheresse, migrations pour cause environnementales – font peser sur les relations entre États et régions du monde. Pour Dominique Moïsi, cette dimension environnementale, qui accroît les risques de conflits, doit pousser les pays à davantage de coopération internationale[7].

Dominic Rohner, Michael Lehning, Julia Steinberger, Nicolas Tetreault et Evelina Trutnevyte (2023) mettent en évidence les mécanismes par lesquels les combustibles fossiles menacent la durabilité et la paix, et décrivent ensuite en détail comment la transition vers l’énergie verte peut concrètement être réalisée, en insistant sur les deux facteurs clés que sont la réduction de la demande d’énergie et la stimulation de l’offre d’énergie verte. Plusieurs politiques prometteuses en matière d’énergie verte peuvent être mises en œuvre à l’échelle locale et décentralisée, ce qui permet d’éviter la concentration fatale des rentes de ressources et du pouvoir politique qui a conduit le pétrole et le gaz à vider la démocratie de sa substance, à alimenter la corruption et à déclencher des guerres civiles et interétatiques. Pour la grande majorité des utilisations, l’électrification et l’approvisionnement en énergies renouvelables seraient beaucoup, beaucoup plus efficaces que les combustibles fossiles. Il est donc nécessaire de renforcer l’offre d’énergie verte par l’innovation et des incitations à l’adoption.

Alors que la coopération mondiale est essentielle pour parvenir à la décarbonisation d’ici 2050, les principaux émetteurs tels que les États-Unis, la Chine et la Russie ont des intérêts contradictoires (Vaclav Smil, 2024).

Conclusion

Parmi les différents scénarios plausibles pour l’humanité, le plus souhaitable est celui de la stabilisation de la population mondiale et du PIB vers le milieu du 21ième siècle. La transition écologique devrait s’articuler selon deux principales phases : (i) la phase d’investissement et de transformation de l’économie dans laquelle la croissance devrait se poursuivre et, (ii) la phase d’atterrissage de l’économie dans une situation de post-croissance.

Plusieurs études montrent qu’il est possible de stabiliser le système économique dans une situation qui respecte les limites planétaires mais cela nécessite de surmonter de nombreuses difficultés. Pour stabiliser le système macroéconomique il convient de résoudre de nombreux déséquilibres macroéconomiques. Il est nécessaire de réduire les asymétries économiques afin de donner aux économies les ressources nécessaires pour investir. Il convient notamment pour cela de sortir du modèle libéral actuel pour revenir à une économie keynésienne.

Il est nécessaire de mettre en œuvre un système fiscal qui permette de sortir de la concurrence fiscale pour collecter l’impôt plus efficacement l’impôt. Il convient de faire diminuer les inégalités au sein et entre les pays pour rendre le modèle économique mondial soutenable. Les pouvoirs publics doivent piloter les économies avec des indicateurs alternatifs en parallèle au PIB. Enfin, cette étude montre pourquoi il est primordial de développer la démocratie et construire une économie de paix.

Bibliographie

  • Barret, A. Stability of Zero-growth Economics Analysed with a Minskyan Model. Ecological Economics.
  • Fontana, G., & M. Sawyer. (2015). The macroeconomics and financial system requirements for a sustainable future. In Finance and the Macroeconomics of Environmental Policies, pp. 74–110. London: Palgrave Macmillan.
  • Fontana, G., & M. Sawyer. (2022). Would a zero growth economy be achievable and be sustainable? European Journal of Economics and Economic Policies Intervention 19(1):89-102. Volume 146, April 2018, Pages 228-239.
  • Cahen-Fourot, L. and A. Monserand. (2023), La macroéconomie de la post-croissance. Alternatives économiques. https://www.alternatives-economiques.fr/macroeconomie-de-post-croissance/00106869.
  • Cahen-Fourot L. and M. Lavoie (2016), Ecological monetary economics: a post-Keynesian critique. Ecol. Econ. 126, pp. 163-168.
  • Chancel, L., Piketty, T., Saez, E. & G. Zucman. Rapport sur les inégalités mondiales. (2022).
  • Commission Stiglitz. (2008). Report of the Commission on the Measurement of Economic Performance and Social Progress.
  • Creel, J., Geerolf, F., Levasseur, S., Ragot, X. & F. Saraceno. (2022). L’Europe de rééles avancées mais des choix à assumer. Science Po, OFCE.
  • Fontana, G. and M. Sawyer (2015), The macroeconomics and financial system requirements for a sustainable future. In Finance and the Macroeconomics of Environmental Policies, pp. 74–110. London: Palgrave Macmillan.
  • Hein, E. & V. Jimenez. (2022). The macroeconomic implications of zero growth: a post-Keynesian approach. European Journal of Economics and Economic Policies: Intervention, , vol. 19, issue 1, 41-60.
  • Herrington, G. (2020). Update to limits to growth. Comparing the World3 model with empirical data. Journal of Industrial Ecology. 2020; 1–13.
  • Hickel, J. & G. Kallis. (2020). Is Green Growth Possible? New PoliticalEconomy.
  • IDH21 (2023). Etude du découplage PIB – CO2 de l’Union Européenne sur la période 1990 – 2018.
  • Jackson, T. (2017). Prospérité sans croissance. De Boeck Supérieur.
  • Jackson, T. (2021). Post Growth: Life After Capitalism. Polity Press.
  • Jackson T. and P. A. Victor (2015), Does credit create a ‘growth imperative’? A quasi-stationary economy with interest-bearing debt. Ecol. Econ., 120, pp. 32-48.
  • Jackson T. and P. A. Victor (2020), The transition to a sustainable prosperity – A stock-flow-consistent ecological macroeconomic model for Canada. Ecological Economics, vol. 177, art. 106787.
  • Kemp, L. et al. (2022), Climate Endgame: Exploring catastrophic climate change scenarios. PNAS 2022 Vol. 119 No. 34.
  • Lankes, H.P, Macquarie, Éléonore Soubeyran, E., & N. Stern. (2023). The World Bank Research Observer, Volume 39, Issue 1, February 2024, Pages 1–46.
  • Mason, N. & M. Büchs, (2023). Barriers to adopting wellbeing-economy narratives: comparing the Wellbeing Economy Alliance and Wellbeing Economy Governments. Sutainabilit
  • Mazzucato M. (2020). L’état entrepreneur – Pour en finir avec l’opposition public-privé. Editions Fayard.
  • Minsky, H. 1986. Stabilizing an unstable economy. Yale University Press.
  • National Intelligence Council. Un monde plus contesté. Paru le 28 avril 2021. Des Equateurs Eds
  • Rockström, J., et al. (2009), Planetary boundaries: exploring the safe operating space for humanity. Ecology and Society, 14(2), 32.
  • Rohner, D., M. Lehning, J. Steinberger, N. Tetreault and E. Trutnevyte (2023), Decentralized green energy transition promotes peace. Sec. Environmental Economics and Management, Volume 11 – 2023.
  • Raworth, K. (2017). Doughnut economics. Seven ways to think like a 21st-century economist. Random House Libri.
  • Rees, W. (2023), The Human Ecology of Overshoot: Why a Major ‘Population Correction’ Is Inevitable. World 2023, 4, 509–527.
  • Rosenbaum E. (2015), Zero growth and structural change in a post Keynesian growth model J. Post Keynes. Econ., 37 pp. 623-647.
  • Richters O. and A. Siemoneit (2017), Consistency and stability analysis of models of a monetary growth imperative. Ecol. Econ., 136, pp. 114-125.
  • Ritchie, H. (2024), Not the End of the World, Chatto & Windus.
  • Smil, V. (2019). Growth: From Microorganisms to Megacities. The MIT Press.
  • Smil, V. (2024), Halfway Between Kyoto and 2050 Zero Carbon Is a Highly Unlikely Outcome. Fraster Institute.
  • Smil, V. (2022), How the World Really Works: How Science Can Set Us Straight on Our PastPresent and Future.  Viking.
  • Stern, N. and J. Stiglitz (2023), Climate change and growth. Industrial and Corporate Change, 2023, 32, 277–303.
  • Stiglitz. Joseph E. (2016). The Euro: And its Threat to the Future of Europe. Allen Lane.
  • United Nations Environment Program. 2024. Emissions Gap Report.

[1] Source : estimation s’appuyant sur les travaux de Patrick Arthus (2019)

[2] Lorsqu’il n’y a plus de croissance ou que la valeur des actifs se réduit fortement, les dettes des investisseurs finissent par les étrangler devenant supérieures à la valeur des actifs.  Les investisseurs réduisent alors leurs investissements et sont contraints de vendre leurs actifs financiers pour rembourser leurs dettes. La revente des actifs provoque alors un retournement des marchés financiers et une crise financière. Source : Minsky H. (1986). Stabilizing an unstable economy.

[3] Source : https://www.project-syndicate.org/commentary/2024-elections-grappling-with-authoritarian-populism-and-other-legacies-of-neoliberalism-by-joseph-e-stiglitz-2024-04

[4] https://vaclavsmil.com/wp-content/uploads/2024/06/HALFWAY.pdf

[5] https://www.vie-publique.fr/en-bref/292896-balance-commerciale-2023-reduction-conjoncturelle-du-deficit

[6] Gabriel Zucman : « On a besoin d’un impôt sur la fortune européen » | Alternatives Economiques

[7] https://www.institutmontaigne.org/expressions/quand-le-rechauffement-climatique-sinvite-dans-la-geopolitique